RFI : Vous êtes journaliste, vous avez consacré un livre au parcours de François Fillon, en particulier à son engagement dans sa carrière politique. Alors, cinq ans de gouvernement sous la direction de cet homme, François Fillon, comment a-t-il incarné la fonction ?
Fabienne Ausserre : Je me suis penchée sur le début et la mise sur orbite de François Fillon, son entrée dans la politique, et on voit dès le début, dans « François Fillon, La Tentation de Paris », qu’il est quelqu’un qui a une formidable capacité d’encaisser, qui sait avaler des couleuvres, et qui même est dopé par les vexations, et finalement pense à servir son ambition depuis un moment.
RFI : Et des vexations, il en a eu un certain nombre avec Nicolas Sarkozy ?
F.A. : Oui, mais il a une formidable capacité d’encaisseur et il a également une grande capacité de durer.
RFI : Justement, cette longévité, comment l’expliquer ?
F.A. : Je pense qu’elle s’explique par cette ambition. C’est quelqu’un qui, lorsqu’il s’est mis un objectif en tête, ne déroge pas de sa ligne de conduite.
RFI : On a entendu ces derniers jours, sur le cas du président élu François Hollande, que beaucoup de monde n’avait pas vu, n’avait pas imaginé un tel parcours. Est-ce que c’est un peu la même chose du côté de François Fillon ?
F.A. : Je pense que François Fillon, au contraire, a assez conscience du parcours qu’il est en mesure de faire. Et je pense qu’il continue son chemin. Je le vois, enfin, aux législatives par exemple. Il se présente aux législatives. Il s’est donc débarrassé de la terre à ses chaussures, de la Sarthe. Il est assez opportuniste, il quitte la Sarthe au moment où Stéphane Le Foll, justement, aurait été son concurrent direct.
RFI : Alors justement, il va se présenter à Paris. Pour lui c’est une page qui se tourne, après cet ancrage dans les terres ?
F.A. : Oui, je pense que c’est un petit peu la dernière étape. Enfin, l’avant-dernière étape peut-être – 2017 – l’avant-dernière étape pour une éventuelle candidature à la mairie de Paris.
RFI : Dans sa course pour les législatives, il va trouver une adversaire en la personne de Rachida Dati. Comment comparer la personnalité de François Fillon avec celle qui fut sa ministre de la Justice ?
F.A. : Rachida Dati est souvent assez agaçante, parce qu’elle est très extravertie. En revanche, François Fillon semble introverti. Cependant il sait, lui, laisser aussi des gens sur le bord du chemin. Il a, comme ça, plusieurs de ses anciens amis qui sont capables d’en témoigner dans son fief sarthois.
RFI : Est-ce que cette relative discrétion n’a pas contribué en quelque sorte à diminuer la charge du Premier ministre, en tout cas à en diminuer l’impact ?
F.A. : Oui, parce que ça lui a servi. Cette discrétion lui sert de carapace en quelque sorte. Et c’est quelqu’un qui, dès sa plus tendre enfance, a toujours voulu faire un petit peu ce qu’il voulait. Et on ne sait pas trop quelle est la part du travail qui doit lui être reconnue, à lui personnellement.
RFI : Alors justement, quand il a été qualifié de « collaborateur » par Nicolas Sarkozy, de « simple collaborateur », comme n’a pas manqué de lui rappeler François Hollande lors du débat de l’entre-deux tours, comment a-t-il pris la chose ?
F.A. : Je pense que c’est une vexation qui n’a fait que le doper.
RFI : On prête à François Fillon des ambitions à la tête de l’UMP. Est-ce que la rivalité est patente avec Jean-François Copé ?
F.A. : La rivalité avec Jean-François Copé ennuie François Fillon depuis un moment. Sur ses terres sarthoises, où j’ai rencontré une centaine de personnes qui l’ont croisé, et son cercle rapproché de réflexion – parce qu’il prend toujours conseil dans la Sarthe – on voit Jean-François Copé comme le seul obstacle qui puisse même l’empêcher d’accéder à l’Elysée. Mais, il se trouve que les deux hommes se détestent cordialement.
RFI : Cela préfigure-t-il à ce que l’on pourrait appeler des courants qui se dessineraient après les législatives au sein de l’UMP ?
F.A. : Alors il serait temps pour François Fillon d’avoir un courant, puisqu’il a toujours eu un mentor. En revanche, il n’est le mentor de personne.
RFI : C’était qui ? C’était Philippe Seguin ?
F.A. : Il a eu d’abord Joël Le Theule, à son décès en décembre 1980, et puis ensuite ça a été Philippe Seguin. Maintenant, Nicolas Sarkozy ne l’a jamais inspiré. Mais en même temps, François Fillon ne semble pas inspirer grand monde ouvertement. Peut-être, est-ce une façon également, de fédérer de véritables collaborateurs, c'est-à-dire des gens qui se calquent sur sa personnalité qui consiste à être toujours discret, voire un petit peu déloyal.