Il n’aime pas la radio, mais il adore le cinéma. Le couturier cinéphile Jean Paul Gaultier s’offre pendant deux semaines une petite échappée sur la Croisette pour se transformer en spectateur professionnel dans l’Olympe du 7e art. Cela fait longtemps que l’ancien enfant terrible de la haute couture a tenté de devenir membre du plus prestigieux jury cinématographique au monde. Thierry Frémaux, le délégué-général du festival, a justifié son choix avec la remarque : « Nous avons comme tradition d’inviter des gens dont on sait qu’ils sont cinéphiles mais qui ne sont pas forcément dans le cinéma. C’est important d’avoir des gens qui ont une sorte d’opinion spontanée. »
En effet, l’habitué de la haute couture et du prêt-à-porter n’a pas uniquement des compétences pour la mode, le parfum et les meubles. A maintes reprises, Jean Paul Gaultier a dessiné les costumes pour des réalisateurs célèbres ou des films devenus cultes : Kika de Pedro Almodovar, Le Cinquième Elément de Luc Besson ou La Cité des enfants perdus de Jean-Pierre Jeunet. L’année dernière, il a même touché au film et tourné une interview avec la superstar Lady Gaga : Gaga by Gaultier.
Les autres membres du jury sont plus « traditionnels ». Avec Ewan McGregor, Gaultier pourrait aussi parler de mode. L’acteur écossais, connu pour ses rôles dans Star Wars, Moulin Rouge ! ou The Ghost Writer avait déjà « fait une apparition à Cannes en kilt », confiait Thierry Frémaux.
Diane Kruger, le mannequin et l’actrice allemande connaît depuis des années une grande carrière internationale. En 2007 elle fut la maîtresse de cérémonie du 60e Festival de Cannes. Révélée par Wolfgang Petersen avec Troie en 2004, on l’a vue tourner avec, Bille August, Agnieszka Holland ou Quentin Tarantino. Dernièrement, elle incarnait Marie-Antoinette dans Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot.
Un autre cas original est Raoul Peck, né en Haïti, mais qui a grandi au Congo, en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. En 2000, le réalisateur a été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes pour son film Lumumba, qui raconte la vie et l’élimination du premier Premier ministre de la République démocratique du Congo. Peck avait déjà occupé des postes divers et variés : il était journaliste, photographe, professeur à l’université de Tisch School of the Arts à New York, ministre de la Culture de la République d’Haïti de 1995 à 1997, propriétaire du cinéma Eldorado situé à Port-au-Prince, et il préside actuellement le Conseil d’administration de la célèbre école de cinéma française, la Fémis. Sa fonction dans le jury à Cannes ? « Faire entrer le chaos du monde » sur la Croisette, selon Thierry Frémaux.
L’actrice palestinienne Hiam Abbass était l’année dernière en compétition à Cannes avec La Source des femmes de Radu Mihaileanu. En 2004, elle a tourné La Porte du soleil avec le grand réalisateur égyptien Yousry Nasrallah qui concourt avec son nouveau film Après la Bataille pour la Palme d’or. Connu depuis son apparition dans Satin rouge de Raja Amari en 2002, elle était aussi en compétition à Cannes avec Free Zone (2005) d’Amos Gitaï. Depuis peu, elle connaît aussi l’autre côté de la caméra : Inheritance s’appelle son premier long métrage qui verra bientôt le jour.
La réalisatrice britannique Andrea Arnold est également très bien connue sur la Croisette. En 2006, elle avait remporté le prix du Jury avec son premier long métrage Red Road, situé dans la ville de Glasgow. En 2009, elle récidive avec Fish Tank, un drame autour d’une adolescente rebelle pour lequel elle reçoit aussi le prix du Jury. Adepte du mouvement danois Dogme95 qui se distingue par la lumière naturelle et caméra à l’épaule, Arnold pourrait avoir un faible pour le film Jagten (The Hunt) de Thomas Vinterberg qui aspire à la Palme d’or.
La Française Emmanuelle Devos devrait plutôt pencher pour le nouveau film de Jacques Audiard : De rouille et d’os. Devos avait obtenu le César de la meilleure actrice pour son rôle dans Sur mes lêvres de Jacques Audiard. Mais elle connaît aussi Alain Resnais qui présente cette année Vous n’avez encore rien vu. En 2009, elle avait tourné avec lui Les Herbes folles. Elle était une fois en compétition à Cannes. C’était en 1996 pour Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle), réalisé par Arnaud Desplechin.
Le réalisateur américain Alexander Payne partage avec Andrea Arnold le fait d’avoir déjà obtenu un Oscar. Elle dans la catégorie Meilleur court-métrage de fiction avec Wasp (2004), lui un an plus tard avec Sideways dans la catégorie Meilleur scénario. Il aura un autre Oscar avec The Descendants (2011) pour la meilleure adaptation. Le réalisateur américain d’origine grecque (son vrai nom est Alexandros Papadopoulos) avait signé en 2006 aussi le portrait du 14e arrondissement dans le film Paris, je t’aime. Pour Thierry Frémaux, le directeur général du Festival, Payne incarne une « sorte de renouveau du cinéma américain », qui est également mis en avant dans la sélection du 65e festival.
Nanni Moretti présidera le jury. Le cinéaste italien a obtenu la Palme d’or en 2001 pour La Chambre du Fils. Il continuera ainsi sa déjà longue histoire avec le plus prestigieux festival cinématographique du monde.