Le mieux est l’ennemi du bien serait-on tenté d’écrire lorsque l’on décortique les règles qui régissent le temps de parole des candidats à l’élection présidentielle sur les chaînes de télévision et les stations de radio françaises. Edictées par le Conseil national de l’audiovisuel (CSA) afin de garantir le multipartisme et l’équité entre les candidats sur les écrans et sur les ondes, elles constituent un véritable casse-tête pour les médias concernés mais aussi pour l’autorité elle-même.
Les textes qui encadrent la présidentielle 2012 ont été publiés par le CSA le 6 décembre 2011 et ils distinguent trois périodes dans la campagne entre le 1er janvier, premier jour de l’année calendaire, et le 4 mai, avant-veille du 2e tour de l’élection.
Equité n'est pas égalité
La première période commence le 1er janvier et s’achève à la veille de la publication de la liste des candidats au Journal officiel, laquelle doit intervenir le 19 mars. Durant ces onze semaines, les médias audiovisuels diffusant de l’information (15 chaînes de télévision et 12 stations de radios sont concernées) sont tenus de respecter l’équité de temps de parole et du temps d’antenne, à cette nuance près – mais elle est d’importance – qu’« équité » ne veut pas dire « égalité ».
Le CSA se base en effet sur la « représentativité » des différents candidats ou de leurs soutiens (1) en prenant en compte leurs résultats, ou ceux de leur parti, lors d’élections récentes ainsi que leurs scores dans les récents sondages d’intentions de vote, une sorte de « proportionnelle » du temps de parole qui n’est évidemment pas du goût des « petits » comme Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) ou Corinne Lepage (Cap21). Ces deux candidats se sont plaints d’être pratiquement « invisibles » et « inaudibles » dans la campagne, une grogne d'autant plus légitime qu'Hervé Morin et Christine Boutin - invités dans plusieurs émissions alors qu'eux aussi flirtaient avec les 0,5% d'intentions de vote - ont retiré leur candidature en cours de route.
Des candidats de plus gros calibre, comme François Bayrou (MoDem) ou Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) ont également fait connaître leur mécontentement en soulignant un déséquilibre flagrant, selon eux, dans les temps d’antenne en faveur de François Hollande et de Nicolas Sarkozy, les deux favoris pour le second tour. Quant à la candidate du Front national, Marine Le Pen, elle a déploré la « discrimination négative » dont elle faisait l’objet : seulement 4 et 3% du temps d’antenne dévolu à l’élection respectivement sur TF1 et France2 alors qu’on lui prêtait près de 20% des intentions de vote dans les sondages au mois de janvier.
La deuxième période supervisée par le CSA est comprise entre le 20 mars et le 8 avril, à la veille de l’ouverture de la campagne officielle. Elle va forcément compliquer un peu plus le processus pour les médias car, cette fois, ils devront respecter une égalité « stricte » du temps de parole entre les candidats qualifiés pour le 1er tour, c'est-à-dire ceux ayant recueilli les 500 parrainages. Etant donné qu’ils seront sans doute une bonne douzaine, le calcul va tourner au cauchemar pour les télévisions, les radios ainsi que pour le CSA lui-même qui emploie pas moins de 17 personnes en CDD dans ses locaux du 15e arrondissement de Paris pour chronométrer les interventions de chacun.
La troisième phase intervient, logiquement, au début de la campagne officielle à partir du 9 avril et jusqu’au 20 avril, soit l’avant-veille du 1er tour de l’élection. A partir de cette date, ce sont à la fois le temps de parole et le temps d’antenne qui sont comptabilisés. Concrètement : les télés et les radios ont non seulement l’obligation de donner le même temps d’antenne à chacun des candidats mais elles doivent aussi les faire intervenir dans des programmes comparables.
Loi mal adaptée
La période ne durant que quatre semaines, cela oblige par exemple chaînes et stations à « saucissonner » leurs émissions hebdomadaires pour rester dans la légalité, sachant que les sanctions peuvent aller de la mise en garde à la mise en demeure voire à une amende qui peut aller jusqu’à 3% du chiffre d’affaires, ce qui ne s’est encore jamais produit. Ensuite, passé le 1er tour, la règle reste la même mais le calcul devient beaucoup plus simple puisque seulement deux candidats restent en lice.
Les deux finalistes auront droit évidemment au même temps de parole et au même temps d’antenne entre le 23 avril, lendemain du 1er tour et le 4 mai, avant-veille du 2e tour. Le point culminant de cet étalonnage du temps de parole interviendra lors du traditionnel débat d’entre deux tours durant lequel les deux adversaires auront littéralement sous les yeux les aiguilles du chronomètre leur indiquant le temps qui leur est imparti.
(1) le CSA a établi une liste de 1 500 personnalités qu’elle a communiqué aux médias afin qu'ils les incluent dans leur décompte quand ils prennent la parole à propos de la présidentielle.