Les avocats de deux mis en examen dans le volet financier de l’affaire de l’attentat de Karachi tentent par tous les moyens depuis fin décembre de faire stopper l’enquête et même d’en obtenir l’annulation. Il faut dire que les deux juges d’instruction qui en sont chargés, Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire, ne se sont pas contentés du menu fretin. Ils ont en effet déjà mis en examen deux proches de Nicolas Sarkozy, son ancien conseiller Thierry Gaubert et l’ancien directeur de la campagne de Balladur, Nicolas Bazire sans oublier l’ex-ministre Renaud Donnedieu de Vabres à l’époque conseiller du ministre de la Défense François Léotard, ni Ziad Takieddine un Franco-Libanais qui aurait servi d’intermédiaire pour les fameuses commissions.
Requêtes en nullité
Les avocats de Nicolas Bazire, Maîtres Frédéric Landon et Jean-Yves Liénard ainsi que Me Ludovic Landivaux pour Ziad Takieddine, ont déposé ces derniers jours une cascade de requêtes en nullité. Ils accusent les deux juges d’avoir agi « hors saisine » pendant trois mois (17 septembre-14 décembre 2010) sous le seul motif de la plainte des familles des victimes, plainte jugée ensuite irrecevable. Les juges n’ayant été saisis qu’a posteriori, les avocats estiment que toute l’enquête qui a abouti à la mise en examen de leurs clients devrait être annulée.
Autre angle d’attaque des avocats de Bazire et de Takieddine, ils contestent tout aussi fermement l’enquête menée sur les comptes de campagne d’Edouard Balladur en se réclamant de l’article 62 de la Constitution selon lequel « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucuns recours ». Or, concluent-ils, « aucun juge ne peut enquêter sur les comptes de campagne de Balladur dès lors qu’ils ont été validés par le Conseil, quoi qu’on pense de cette validation ». C’est la chambre de l’instruction qui est chargée d’examiner ces requêtes et de décider de fermer ou non le dossier. Sa décision peut intervenir à tout moment et elle sera notifiée par simple courrier aux deux magistrats.
Trésor de guerre
Si jamais la décision de la chambre de l’instruction allait dans le sens des avocats, elle surviendrait justement au moment où les juges ont mis la main sur les fameux comptes de campagne d’Edouard Balladur. Un « trésor de guerre » que la police a saisi le 24 novembre dernier dans la cave du domicile de Jean-Claude Aurousseau, ancien préfet aujourd’hui âgé de 82 ans, mais également ex-président de l’Aficeb, l’association chargée du financement de la campagne Balladur en 1995.
Selon les trois procès-verbaux rédigés par la Division nationale des investigations financières (DNIF) et dont Le Journal du Dimanche publie des extraits, les documents saisis montrent que la campagne de Balladur était à bout de souffle financièrement. Dès février, peut-on lire, « Les dirigeants de l’Aficeb savent qu’il leur manque au moins 11 millions de francs pour équilibrer leurs comptes ».
Et à un mois de l’échéance du premier tour, les choses n’ont fait que se dégrader si bien que la DNIF écrit : « Si les recettes n'avaient pas été réévaluées, le déficit aurait pu atteindre éventuellement 30 millions de francs ». Aux abois, l’entourage de Balladur s’est débrouillé pour colmater les trous soit avec des fonds spéciaux de Matignon ou des versements de rétrocommissions comme le pensent les enquêteurs, et le Conseil constitutionnel a in fine donné sa bénédiction.