Bayrou : gagner ou s’allier

François Bayrou n’a jamais cessé de croire en son destin présidentiel. Son isolement, accentué depuis 2007 et sa séparation avec la majorité, ne l’a pas convaincu de renoncer au combat de sa vie. Au contraire, plus que jamais il est persuadé d’avoir raison. La crise de la dette qu’il avait diagnostiquée dès 2006 et dont il avait fait l’un des ses thèmes de campagne, est venue porter de l’eau à son moulin. Alors François Bayrou le croit, toujours, il a une carte à jouer en 2012.

Non, il n’est pas si seul que cela ! François Bayrou estime même que son équipe d’aujourd’hui est bien plus solide que celle qui l’entourait pour la campagne de 2006 et 2007, celle de ces élus de l’UDF qui ne l’ont pas suivi lorsqu’il a rompu avec Nicolas Sarkozy. A l’aube de la nouvelle bataille électorale, François Bayrou affirme que parmi ses fidèles, Marielle de Sarnez en tête, tous ont l’envergure de ministrables. Que le MoDem, son mouvement, n’ait pas ou peu d’élus sur les bancs de l’Assemblée, du Sénat ou du Parlement européen n’est pas si important que cela, puisque de toute manière François Bayrou n’est pas le candidat d’un parti. Il veut être le candidat d’une idée : celle qu’il faut dépasser les clivages politiques traditionnels, l’opposition de la droite contre la gauche, et dégager une « majorité centrale ». La même idée qu’en 2007, finalement. 

Cette conviction ne l’a donc pas quitté pendant les cinq années qui se sont écoulées. Elle a même été renforcée par les événements. Face à la crise qui frappe l’Europe et la France de plein fouet, François Bayrou estime que « l’esprit d’union nationale » est plus que jamais nécessaire et qu’il faut « une majorité plus large que les majorités classiques d’un bord contre l’autre ». Des paroles qui résonnent comme un air de : « Je vous l’avais bien dit ». Lui qui a dressé le diagnostic sur les dangers des déficits publics et de l’aggravation de la dette avant les autres, se plaît à le rappeler aujourd’hui. François Bayrou espère bien profiter de cet avantage dans la campagne qui s’ouvre car il l’assène : « Gouverner, c’est prévoir ». Et lui, il avait prévu.

Crédible

Certes, le diagnostic sur la crise ne suffira pas mais il donne une crédibilité à la démarche de François Bayrou. Une démarche que le leader centriste a fondée sur la vérité et l’indépendance. Car François Bayrou se veut un homme libre, libre des engagements partisans, libre des contraintes et des arrangements d’appareils. D’une certaine manière, François Bayrou veut faire de ses handicaps des atouts. Car son indépendance l’a porté, quoi qu’il en dise, à une certaine forme d’isolement sur l’échiquier politique. Mais lui, ne veut voir qu’une chose : il n’a fait aucune compromission et à l’heure de solliciter le suffrage des Français, cela lui donne la possibilité de se présenter comme le candidat le plus à même d’incarner le renouvellement.

Car son but est, bien sûr, la victoire en 2012. Il part pour gagner car il croit qu’il peut gagner, même si les sondages ne sont pas encore très encourageants et ne lui octroient qu’entre 6% et 9% des intentions de vote. Dans son entourage, on relativise ces scores en rappelant, qu’à la même époque en 2006, les sondages n’étaient pas meilleurs. Bref, il serait trop tôt pour en tirer des conclusions, explique-t-on. Mais une chose a changé qui ne semble pas avoir été prise en compte par les Français : François Bayrou ne part pas du même point qu’il y a cinq ans. C’est aujourd’hui le « troisième homme » de 2007 qui se présente et pas le candidat de 2002 qui n’avait pas atteint les 7% au premier tour. Cela veut-il dire que le bénéfice d’une campagne qui lui avait fait sentir le vent des cimes s’est évaporé au fil des années ? Qu’il ne reste rien de l’acquis de 2007 ? Que les Français ont oublié ? C’est en tout cas ce que ses adversaires centristes, ceux qui avaient fait campagne avec lui à l’époque et font campagne contre lui aujourd’hui, Hervé Morin notamment, lui reprochent : n’avoir pas su profiter de son score d’alors pour peser, avoir lâché ses troupes en rase campagne au nom d’un choix avant tout personnel.

Choisir

Même s’il balaie d’un revers de main ces critiques et justifie sa décision de ne pas appeler à voter Nicolas Sarkozy par la conscience aiguë qu’il avait du risque de dérives du candidat de l’UMP, et de ne pas appeler non plus à voter Ségolène Royal par sa conviction qu’elle n’était pas à la hauteur, François Bayrou a peut-être tout de même tiré les enseignements de son choix de 2007. Il a, en effet, déclaré que s’il n’était pas qualifié au second tour de l’élection présidentielle de 2012, il donnerait cette fois-ci une consigne de vote. Laquelle ? Nul ne le sait. Et François Bayrou ne consent à donner qu’une simple indication : « Je me déterminerai sur une seule chose, ce que je croirai crucial pour l’avenir du pays ».

Les deux options sont donc ouvertes. Et à l’UMP comme au Parti socialiste, on l’a bien compris. Nicolas Sarkozy reçoit désormais régulièrement François Bayrou pour le consulter. Et François Bayrou qui avait dénoncé dans un livre, Abus de pouvoir, le gouvernement sarkozyste a aujourd’hui adouci ses critiques contre le président de la République dont il reconnaît qu’il a quelques qualités : « Il ne lâche jamais ». Dans le cadre de ces relations apaisées, les responsables de l’UMP, comme Alain Juppé, multiplient les appels du pied pour ramener François Bayrou dans le giron de la majorité actuelle.

Ne pas se renier

Quant à François Hollande, il a lui aussi envoyé des signes au centriste. Quitte à se fâcher avec l’aile gauche de la gauche, le candidat socialiste a déclaré récemment : « Si François Bayrou fait un choix - nous verrons lequel - au second tour, eh bien il sera dans la majorité présidentielle qui sera constituée autour du vainqueur du second tour, s’il a appelé à voter pour le bon candidat, sous-entendu celui que je pourrais représenter ». Les deux hommes s’entendent bien, François Bayrou le reconnaît, mais cela sera-t-il suffisant pour le faire pencher du côté de la gauche ?

En attendant, et alors que la campagne ne fait que commencer, François Bayrou entend ces messages, en prend acte mais ne réagit pas. Il n’a aucun intérêt à le faire et espère toujours que ce sont les autres qui seront obligés de se rallier à lui, le moment venu. Mais il jubile. Car ces manœuvres lui font penser qu’il pèsera forcément dans l’élection. Reste à savoir jusqu’à quel point et s’il saura en tirer profit sans se renier.

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