Jean-François Copé a-t-il raison lorsqu’il affirme que dans l’élection présidentielle de 2012, « il n’y a pas beaucoup de place pour le centre » ? A en croire le secrétaire général de l’UMP, la situation en 2012 a radicalement changé par rapport à 2007, lorsque François Bayrou avait obtenu plus de 18 % des voix au premier tour de la présidentielle et s’était octroyé le statut de « troisième homme », qui lui colle encore à la peau. Aujourd’hui, en tout cas c’est ce que déclare Jean-François Copé : « Il y a de bonnes chances que les trois pôles, ce soit la gauche, l’UMP et l’extrême droite ».
Une analyse que semble avoir partagée Jean-Louis Borloo qui a préféré jeter l’éponge, après avoir laissé envisager sa candidature pendant des mois, au prétexte que dans une situation de crise comme celle que traverse la France actuellement, il ne voulait pas ajouter « de la confusion à la confusion » et prendre le risque de favoriser l’émergence des extrêmes dans l’élection présidentielle.
Morin persiste
Mais la crise, le danger Front national et la menace d’un 21 avril à l’envers n’ont pas dissuadé Hervé Morin, le concurrent de Jean-Louis Borloo au sein de la l’Alliance républicaine, écologiste et sociale (ARES), le nouveau mouvement centriste lancé avant l’été par le Parti radical, le Nouveau centre et la Gauche moderne, de se lancer dans l’aventure présidentielle. Hervé Morin a persisté et a finalement annoncé officiellement sa candidature dimanche 27 novembre, lors d’une allocution prononcée en Normandie, sa terre natale.
Certes, cette démarche ne fait pas l’unanimité au sein même du parti de l’ancien ministre de la Défense qui n’a reçu le soutien que de 17 parlementaires sur les 39 que compte le Nouveau centre. Parmi ses détracteurs, le numéro 2 du parti, Jean-Christophe Lagarde, et le ministre de la Ville, François Sauvadet, l’ont mis en garde contre cette aventure jugée « personnelle » et préjudiciable à l’avenir des négociations avec l’UMP en vue des législatives. Jean-François Copé ayant, en effet, menacé de présenter un candidat UMP devant chaque député Nouveau centre qui ne soutiendrait pas Nicolas Sarkozy dès le premier tour. Hervé Morin croit lui, au contraire, qu’en renonçant à une candidature centriste à la présidentielle, son parti créé en 2007 par les élus UDF qui n’ont pas suivi François Bayrou au Modem, sera de fait étouffé par l’UMP.
Hervé Morin veut donc essayer d’exister au centre tout en restant dans la majorité et en annonçant qu’au second tour, il appellera à voter pour Nicolas Sarkozy. Une démarche qui le discrédite d’entrée aux yeux de son rival et ancien mentor François Bayrou, l’autre candidat du centre. Pour lui, l’indépendance est en effet la condition sine qua non d’une candidature centriste crédible à l’élection présidentielle. Une crédibilité qui est sans ambiguïté l’argument fort de François Bayrou pour présenter une nouvelle fois (la troisième) sa candidature à la présidence de la République.
Le Béarnais avait, il est vrai, été le premier à faire campagne en 2007 sur la thématique de la nécessaire réduction des déficits et des dangers d’une dette devenue abyssale. Cinq ans après, la crise lui a donné raison et François Bayrou espère bien que les Français en tiendront compte au moment de mettre leur bulletin dans l’urne.
Bayrou ne décolle pas
Reste que pour le moment, il ne décolle pas dans les sondages qui lui octroient entre 6 et 9 % des intentions de vote. Le forfait de Jean-Louis Borloo, au début du mois d’octobre, ne lui a pas profité et on ne peut pas dire que la concurrence d’Hervé Morin, crédité pour sa part de 1 %, explique cette situation. Pour autant, on ne s’inquiète pas dans le camp Bayrou. Il est trop tôt, estime-t-on dans son entourage, pour tirer des conclusions de ce score.
François Bayrou a néanmoins décidé d’accélérer un peu les choses récemment, confirmant dans une interview télévisée qu’il était candidat, avant même sa déclaration officielle, qui ne saurait tarder. Le président du Mouvement démocrate a saisi l’opportunité des dissensions affichées entre les socialistes et les écologistes pour prendre l’initiative en attaquant plusieurs points de l’accord conclu entre les deux partis. Notamment celui qui prévoit l’abandon du véto à l’ONU.
François Bayrou qui avait déjà été très sévère sur le programme socialiste et certaines propositions de François Hollande comme celle de créer 60 000 postes dans l’éducation nationale, jugés inapplicables, a profité de ces querelles au sein de la gauche pour mettre en avant les contradictions du candidat socialiste.
En 2007, François Bayrou avait joué la carte de l’effondrement du Parti socialiste, incapable de se rassembler derrière Ségolène Royal, pour essayer de s’imposer. En 2012, la donne a changé mais peut-être espère-t-il au vu des difficultés rencontrées par François Hollande qui avait pourtant été porté par une primaire réussie, qu’il y a peut-être une brèche ouverte de ce côté-là malgré tout.
Mais François Bayrou ne néglige pas pour autant son aile droite. Son discours sur Nicolas Sarkozy est plus apaisé. Il a récemment reçu les soutiens de personnalités comme les sénateurs Jean Arthuis ou Alain Lambert, en délicatesse avec l’UMP, ou de l’ancien porte-parole de Dominique de Villepin, Daniel Garrigues. Fidèle à sa stratégie qui refuse la bipolarisation de la vie politique et l’opposition d’un camp contre un autre, François Bayrou plaide pour une « majorité centrale », qui empiète donc de chaque côté de l’échiquier politique. Et il fait le pari qu’avec la crise, les Français lui donneront raison. Mais au cas où son score ne serait pas à la hauteur de ses ambitions et ne lui permettrait pas d’accéder au second tour de l’élection, il a déclaré qu’il donnerait une consigne de vote et il l’assure, à ce moment-là : « Je me déterminerai sur une seule chose : ce que je croirai crucial pour l’avenir du pays ».