Le mystère Eva Joly

Le silence d’Eva Joly ces derniers jours, alors que les négociations entre Europe Ecologie-Les Verts et le Parti socialiste allaient de rebondissement en rebondissement, a provoqué des interrogations sur sa motivation à maintenir sa candidature à la présidentielle. Ira, ira pas, ira jusqu’au bout ou pas ? Après la cacophonie sur l’accord entre les écologistes et les socialistes, le doute sur les intentions d’Eva Joly s’est insinué dans le débat.

Eva Joly veut « prendre un peu de hauteur ». C’est en tout cas l’explication que son directeur de campagne, Sergio Coronado, a donné pour expliquer son absence dans le débat sur le nucléaire engagé entre le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts (EELV), avec comme enjeu la signature d’un accord électoral entre les deux formations. Autrement dit, pas question de mettre les mains dans le cambouis d’une négociation âpre dont les enjeux ne la concernent que de loin : « Eva comprend bien la nécessité d’avoir un accord et une représentation parlementaire mais elle ne s’inscrit pas dans la logique d’être dans les négociations ».

Cette version a convaincu la patronne d’Europe Ecologie-Les Verts, Cécile Duflot, qui a joué la naïveté en estimant : « Elle a parfaitement raison de prendre un peu de distance avec cette période de finalisation de l’accord [ndlr avec le PS], toujours un peu compliquée, qui regarde les organisations politiques. »

Le retrait d’Eva Joly serait donc non seulement compréhensible mais presque bienvenu. Même son de cloche pour Jean-Vincent Placé, le numéro deux du parti, qui ne voit pas non plus en quoi cette absence pose problème. Il a donc tenté de rassurer : « Elle ira jusqu’au bout. Le 22 avril, vous pourrez voter pour elle. »

Un silence qui en dit long

A en croire ces déclarations, tout irait donc pour le mieux au pays des écologistes. Oui, mais alors comment interpréter la phrase prononcée par un autre Vert, le député Noël Mamère, à propos de ce silence dans les négociations avec le PS : « Je comprends qu’Eva Joly soit troublée et s’interroge ». La source du trouble ? La signature d’un accord avec les socialistes alors qu’ils refusent de s’engager sur la sortie du nucléaire qui représente le principal combat de la candidate Joly, une condition non négociable de son point de vue. L’interrogation ? Celle de savoir si elle a vraiment envie de se jeter dans la bataille électorale et de mener une campagne longue et difficile dans ces conditions. D’autant qu’elle stagne à moins de 5% d’intentions de vote dans les sondages.

L’annulation de dernière minute de la participation d’Eva Joly à une émission de télévision en prime time sur France 2, où elle devait débattre avec le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, n’a pas non plus contribué à calmer la rumeur sur sa lassitude supposée. Tout comme l’annonce qu’elle ne participerait pas au conseil fédéral d’Europe Ecologie-Les Verts au cours duquel l’accord avec le PS doit être entériné. A force de ne pas être là, Eva Joly a fini par devenir elle-même un sujet de débat. Peut-être cherche-t-elle ainsi à rappeler à son propre camp qu’elle est une pièce déterminante du puzzle de la présidentielle dont il faut tenir compte et à reprendre la main en interne sur la stratégie. Peut-être est-elle vraiment en plein doute personnel ? Peut-être fait-elle seulement une pause ? Tant qu’elle n’aura pas réapparu et dit clairement ce qu’il en est, la question restera posée.

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