Il est aux avant-postes. De semaine en semaine, de sommet en réunion de crise, Nicolas Sarkozy occupe le devant de la scène européenne. D’abord parce que la France préside le G20 cette année. Et parce que l’axe franco-allemand est incontournable dès qu’il s’agit d’Europe. Nicolas Sarkozy « fait le job », quitte à se réjouir un peu vite de ses « succès » diplomatico-économiques. « Pour dire la vérité, affirmait Nicolas Sarkozy à la télévision française au lendemain du sommet européen du 25 octobre, s’il n’y avait pas eu d’accord, ce n’est pas seulement l’Europe qui sombrait dans la catastrophe, mais le monde entier ».
Un triomphalisme qui s’avèrera un peu prématuré. Depuis, le Premier ministre grec et son référendum sont venus perturber le jeu, et ont gâché le G20 de Nicolas Sarkozy. De quoi alimenter les sarcasmes de l’opposition. Le socialiste Jean-Marie Le Guen ironise sur « l’attitude théâtrale » du président français, comparé à « un acteur ». « Clap, on la fait une fois, clap on la fait deux fois… Ca fait la dixième fois qu’il nous fait la scène de ‘Sarkozy en train de sauver le monde’. C’est un peu ridicule, non ? ».
Pour ne parler que du G20, que la France a présidé cette année, on est, c’est vrai, bien loin des objectifs affichés. On devait moraliser le capitalisme financier, mais pour l’instant ce sont les marchés qui font la loi, souligne l’opposition. « Les socialistes n’ont rien à dire, réplique le député UMP Bernard Debré, alors ils disent du mal du président. Il faut qu’ils existent. Mais personne ne peut imaginer François Hollande négocier dans le tohu-bohu actuel ».
Sarkozy le sauveur, Hollande l'inexpérimenté
On voit ici se dessiner le scénario de la campagne présidentielle que l’Elysée aimerait écrire : Nicolas Sarkozy qui côtoie les plus grands, sauve l’Europe et l’euro, face à François Hollande, cet homme inexpérimenté, qui n’a jamais été ministre.
Le président sortant compte-t-il donc sur cette séquence internationale interminable « pour se refaire, comme on dit dans les mauvaises tables de jeu », selon l’expression du socialiste Jean-Marie Le Guen ? Question indécente, à en croire plusieurs dirigeants de l’UMP qui répètent les mêmes éléments de langage : « Le président travaille ». « Très sincèrement, assure Patrick Ollier au gouvernement, il n’est pas dans une logique de campagne présidentielle, et nous non plus d’ailleurs ».
Prière de ne pas rire. Ou alors, faut-il informer le ministre des Relations avec le Parlement qu’à l’UMP comme à l’Elysée, les réunions se multiplient pour préparer 2012 : projet, études d’opinion, stratégie… Une campagne présidentielle ne s’improvise pas. Nicolas Sarkozy n’annoncera sa décision que le plus tard possible mais le président sortant laisse de moins en moins planer le doute.
Et il est de plus en plus en campagne. Quand il n’est pas à Bruxelles, à Cannes ou à Berlin, il parcourt la France, deux fois par semaine. Des déplacements express, très ciblés, avec des tables rondes thématiques. Son équipe voudrait même augmenter la cadence. Si l’actualité internationale lui en laisse le temps.
Le « scénario Churchill »
La séquence « représidentialisation » décidée par l’Elysée en vue de 2012 s’accorde bien avec la crise de l’euro. S’afficher sur la scène internationale en espérant gagner des points sur le plan intérieur, est-ce que ça paie ? « Si le président travaille bien, les Français peuvent lui en rendre acte, espère l’UMP Hervé Mariton. Mais rappelez-vous Churchill à la fin de la Seconde Guerre mondiale : les peuples peuvent être ingrats ». Le Royaume-Uni avait gagné la guerre, mais le Premier ministre avait perdu les législatives en 1945.
Et c’est un scénario à la Churchill qui semble se dessiner pour l’instant, si l’on en croit le politologue Jean-Daniel Lévy, qui dirige le département opinion de Harris Interactive. « Ni la situation ni ses prises de parole ne lui profitent entièrement. Sa cote dans les sondages ne frémit pas. Certes, Nicolas Sarkozy a endossé les habits de la fonction présidentielle, mais sans arriver à modifier fondamentalement et profondément l’image et le rapport qu’il a avec l’opinion ». A qui profite la crise ? Personne ne peut imaginer aujourd’hui quelle sera la situation de l’euro, de l’Europe et de la France en avril-mai 2012.