La FIAC, c’est moins cher et plus rapide que l’Eurostar pour aller à Londres. Vous poussez la porte du Grand Palais et vous êtes dans la galerie londonienne White Cube. Après, cela se gâte un peu : il faut dépenser 86 000 euros pour obtenir la Perfect Time, l’horaire exact, de Darren Almond, une installation avec soixante horloges murales, ou même 1,95 million d’euros pour acquérir l’« aquarium » mural des poissons morts de Damien Hirst qui se questionnait déjà en 1993 : Where Will it End ?.
Le luxe de regarder
La FIAC, c’est pour certains la plus belle exposition en France ; pour d’autres c’est le plus grand supermarché de l’art où la plupart des gens se paient le luxe de regarder des choses qu’ils ne peuvent jamais s’offrir. La présence des œuvres n’a qu’un seul but : être vendue, mais curieusement il n’y a aucun prix à côté, il faut toujours (gentiment) demander.
La galerie sud-africaine Goodman Gallery présente Ponte, un extrait de 96 photos du marathon photographique de Mikhael Subotzky et Patrick Waterhouse. Ils ont visité tous les appartements d’un gratte-ciel de 53 étages à Johannesburg ! Prix de l’œuvre : 60 000 euros. Sinon, malgré les promesses de la FIAC les années précédentes, il n’y a plus aucune trace de l’art africain à l’horizon. Et le printemps de l’art arabe n’a pas droit de cité sous la coupole du Grand Palais. La ligne « stylistique » ou « artistique » de la FIAC 2011 ? Il y a énormément des œuvres très récentes et inédites à admirer.
Les émeutiers et les moines
Il y a par exemple l’History Painting de Marc Quinn qui avait fait son entrée parmi les « Young British Artists » dans les années 1990. Avec virtuosité, l’artiste dépeint une scène brûlante des émeutes du 8 août 2011 à Londres. L’iconographie de cette peinture « photographique » repose sur un rapprochement du « look » des émeutiers avec les habits traditionnels de moines. « C’est une référence à une sculpture avec une capuche que l’artiste a réalisé en 2010, explique Arne Ehman, directeur de la Galerie Thaddaeus Ropac à Salzbourg. C’était la représentation contemporaine d’un moine. L’apparence monacale d’un jeune. Prix : 184 000 euros.
Loris Gréaud a construit un véritable théâtre pour nous présenter sa nouvelle étude des possibilités. New Study of Possibilities (2011) marque les esprits avec la radicalité de sa démarche, l’ambiguïté des supports utilisés et l’imposante mise en scène d’une idée existentielle. L’artiste de 32 ans a brûlé toutes ses épreuves d’artistes et avec le charbon obtenu, il a recouvert des sièges et un projecteur de cinéma. « Le film représente le film de la pellicule qui est en train de brûler à l’intérieur du projecteur, fait savoir Valentina Volchkova, directrice de la galerie Pace London. C’est une étude pour une œuvre monumentale sous la pyramide du Louvre en 2013. »
Mystérieux
Le Chilien Ivan Navarro nous met au centre de son œuvre Shelter (The Center) (2011). Au lieu de regarder un miroir, on a l’impression de regarder dans un tunnel sans fin. « C’est une perspective illusionniste, explique Daniel Templon de la galerie du même nom. C’est la particularité de l’œuvre de Navarro de donner à voir ce qui serait au fond d’un trou, d’une ouverture. C’est mystérieux. »
L’artiste conceptuel Darren Lago a trouvé une idée géniale pour se faire rembourser ses tickets de métro. Pendant son séjour à Paris, le jeune Britannique a collectionné les titres de transport et les a ensuite alignés sous plexiglas. « C’est joli, mais sérieux » explique David Juda de la galerie londonienne Annely Juda Fine Art qui vient depuis 30 ans à la FIAC. De loin, les tickets apparaissent comme une œuvre abstraite, de près, chaque trajet renaît sous nos yeux. Le prix de son œuvre Lines To and Fro (2011) : 7 400 euros (pour 576 tickets).
Anish Kapoor revient au Grand Palais
L’artiste plasticien Bertrand Lavier allume en 2011 une grande étoile rouge City 2 en néon. Hrafnkell Sigurdsson a fabriqué un étonnant retable sous forme de triptyque photographique pour nous rafraîchir la mémoire avec le volcan islandais Eyjafjallajokull (2010) qui était en éruption. La superstar indienne Anish Kapoor qui avait investi le Grand Palais toute seule avec son Leviathan en mai et juin, est cette fois-ci revenue avec un modeste miroir concave en fibre de verre (sans titre, 2011). Michelangelo Pistoletto nous présente Two Less One (2011), deux miroirs dont un brisé dans des cadres dorés. Sarkis a fabriqué 19 Monocycles des années zéro (2011) avec des plumes et du vernis. Et l’Allemand Jonathan Meese nous surprend en 2011 avec une peinture lumineuse et des couleurs à la Matisse.
Et le marché dans tout ça ?
« C’est avec une certaine gêne que je constate que le marché de l’art se tient bien » a confié la commissaire générale Jennifer Flay à RFI. Naturellement les prix sont justifié, a-t-elle aussitôt ajouté, parce que l’art contemporain « incarne aussi des valeurs spirituels, poétiques, c’est le royaume des idées ». Depuis qu’elle a pris les commandes en 2004, l’ex-galeriste néo-zélandaise est devenue la coqueluche de la FIAC. Elle a redressé le salon et l’a hissé parmi les meilleurs du monde.
Cette année, avec la rénovation de la cour Carrée du Louvre, la FIAC a perdu son deuxième site. Tant pis, la directrice artistique a encore resserré la sélection. « C’est triste pour les galeries qui n’ont pas été accepté, se défend le galeriste Daniel Templon, mais c’est finalement mieux pour la qualité et l’image de la FIAC d’avoir concentré dans le même lieu, le Grand Palais, toutes les galeries. » Une explication qui laisse beaucoup de galeristes sur leur faim. Quelques uns se rebiffent même contre une soi-disant « préférence internationale » et de plus en plus d’« exclus » organisent des foires « off »* à Paris. Quant à Jennifer Flay, avec 32 % de galeries françaises et 75 % européennes sur 168 galeries admises, elle revendique pour la FIAC d’être « la plus nationale et la plus européenne de toutes les foires en Europe ».