La FIAC ouvre l’appétit pour l’art contemporain

« La place de l’art dans la société a été renforcée », s’exclame Jennifer Flay, la directrice de la FIAC. 640 galeries avaient postulé, seulement 195 étaient retenues. La 37e Foire internationale d’art contemporain (FIAC) qui ouvre ce jeudi 21 octobre est le résultat d’une sélection très sévère. « On essaye de représenter au mieux une variété de tendances, une vision hautement qualitative de l’art moderne et contemporain », promet Jennifer Flay. A Paris, des galeries venues de 24 pays participent à l’édition 2010 qui se déroule au Grand Palais, à la Cour carrée du Louvre et dans le jardin des Tuileries, jusqu’au 24 octobre.

« Slug », le serpent géant d’Anish Kapoor pourrait être la figure de proue de l’ambition de la FIAC 2010. Cette œuvre monumentale de 2009 mesure plus de quatre mètres de haut, six mètres de large et plus de quatre mètres de profondeur. Comme tout le monde, le galeriste Kamel Mennour constate une véritable renaissance de la Foire internationale d’art contemporain à Paris. « Ce n’est pas le monumental qui nous a intéressé, c’était beaucoup plus de parler de cette nouvelle collaboration que nous allons avoir avec Anish Kapoor et du prochain projet au Grand Palais Monumenta. L’économie repart, l’art va avec. Les artistes prophétisent les choses. On a tout intérêt d’être réceptif à ce que font les artistes. Et les artistes aujourd’hui sont de nouveau à Paris. »

A la galerie Yvon Lambert nous accueille un espalier, trois mètres de haut, des centaines de cuillères en argent et en bois pendent d’un fil en acier : « Like Birds on high-voltage wire » (2009), ainsi se nomme l’installation de Mircea Cantor, artiste d’origine roumaine qui partage sa vie entre la Roumanie et Paris. En automne, la place d’un galeriste et d’un collectionneur est à Paris, martèle Yvon Lambert : « La FIAC est en octobre, Bâle est en juin, ce sont les deux grandes foires en Europe. Ensuite il y a des foires parallèles : Berlin, la Frieze à Londres, mais aujourd’hui, Paris attire les collectionneurs beaucoup plus que les autres. »

Il y a un an, la chaise pliante rouillée avec un néon blanc « PESTE » de Claude Levêque aurait servi comme illustration d’un monde d’argent devenu fou. Aujourd’hui, on s’affole à nouveau pour les petites mappemondes froissées et vernies à 5 000 euros de Latifa Echakhch. A ce prix on n’obtiendrait même pas un cadre chez Helen Winer de la Metro Pictures Galery à New York. Elle est habillée très chic en noir avec des verres de lunettes teintés en orange, des joggings aux pieds, une canette de Pepsi-light à la main et une photographie de Cindy Sherman à 225 000 dollars au mur. « Cette photographie provient de la dernière exposition qu’elle a fait pour notre galerie. Des portraits psychologiques très complexes de femmes mûres qui se confrontent à leur vie. Beaucoup d’entre elles vivent dans un milieu très aisé, elles sont privilégiées, mais elles ne sont pas heureuses. »

A la Fiac, aucune trace visible de la crise économique et de la révolte qui rôdent dans le pays. Le marché de l’art est plus vivant que jamais. Un portrait peint en 1934 par Max Beckmann s'affiche à 18 millions d'euros. « Il n’y a pas eu de crise de valeur, de valeur idéologique, de la place de l’art dans la société. Elle a conservé cette place. Je dirais même que cette place a été renforcée. Quand tout va mal et quand on ne peut être sûr de rien, l’art est une valeur refuge symbolique », analyse la directrice Jennifer Flay qui a transformé la Fiac d’une « foire moribonde » en un « rendez-vous hautement qualitatif ». Malgré la crise, rien n’a changé ? « Déjà, depuis quatre ou cinq ans, on observait un glissement dans l’esthétique des jeunes artistes qui préféraient travailler avec des moyens beaucoup plus sobres et simples, avec un langage qui n’était pas immédiatement gratifiant visuellement, presque une réaction contre une sorte de trop plein, ce qu’on appelle le bling-bling. »

Cette année, le Grand Palais est aussi habité d’une certaine légèreté : Larry Gagosian, le marchand roi de New York, fête l’arrivée de sa galerie à Paris avec une exposition consacrée aux « femmes » et qui se contente d’accrocher les photos, dessins, sculptures et peintures sans aucune légende. A la galerie américaine David Zwirner flottent trois chapeaux métalliques tissés en filigrane (« silent warriors », 2009) d’Adel Abdessemed. Les Français Georges-Philippe et Nathalie Vallois nous vendent soit une accumulation de 50 chariots de supermarché (1996) d’Arman pour 360 000 euros ou le regard d’un œil d’oiseau (12 000 euros) qui plane gracieusement au-dessus d’un tronc massif (« Bird’s eye view », 2009) ; « C’est la pièce d’une jeune artiste française qui s’appelle Virginie Yassef, explique la directrice de la galerie. Il s’agit d’une sculpture qui fait 2m80 de haut et qui a un côté magique, parce qu’avec un système d’électro-aimants très puissant, cela se présente comme une concrétion rocheuse dont le bouchon flotterait 15 centimètres au-dessus de la cheminée. C’est une pièce qui est inspirée d’un phénomène géologique. »

Un sujet plus grave est littéralement déterré par Barthélémy Toguo à la Galerie Lelong : « The African Cocoa Farmer, a Bitter Life » (2010). L’artiste camerounais qui vit et travaille au Cameroun et à Paris, a planté un cercueil en plexiglas au plein milieu du stand. A l’intérieur se trouve le vrai squelette d’un paysan africain, mort de la famine causée par la chute des prix de matières premières.

Trois stations de métro plus loin nous attendent à la Cour carrée du Louvre les jeunes galeries avec des œuvres souvent plus pétillantes et financièrement plus accessible qu’au Grand Palais, cependant… L’imposant canon noir World War II (2010) qui nous menace à l’entrée vaut 72 000 euros, pour 1,7 tonne de poids, nous vante Théo-Mario Coppola de la galerie Jousse.

D’autres pièces nous ne laissent pas indifférents : le tue-mouche géant qui abrite les visiteurs de la galerie Airs de Paris ou la banane géante de Bruno Peinado qui manifeste avec un panneau contre les pommes pourries. Au fond, les créatures blanches hybrides, étranges et poétiques semblent être le travail d’un ivoirier, mais Mathieu Briand travaille la résine polyamide et ordonne aux machines d’accomplir ses idées conçues à l’ordinateur avec une finesse inouïe. « Le Chasseur » s’abrite sous une étrange cape et il est amusant d'observer combien de gens se mettent à quatre pattes pour percer le secret de cette petite figurine posée par terre. Un coup de cœur pour 13 000 euros.

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