En 2010, Médecins du Monde a reçu quelque 38 600 personnes dans ses 20 centres de soins médicaux et dentaires, un chiffre en augmentation de 10% en deux ans. Dans son rapport annuel, MdM constate que 98% de ses consultants vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire qu’ils disposent de moins de 954 euros par mois et 85 % n’ont aucune couverture maladie.
Il est alors difficile pour ne pas dire impossible pour ces « populations d’acquitter les 30 euros demandés depuis 2010 pour avoir droit à l’Aide médicale d’Etat, destinée aux étrangers en situation irrégulière ». La crise économique est certes passée par là, reconnaît l’ONG, mais les choix politiques privilégiant le tout sécuritaire à l’offre sociale ont des conséquences « clairement visibles et dramatiques pour les personnes ».
Femmes enceintes à la rue
Les personnes rencontrées par MdM vivent dans des conditions de plus en plus précaires dont les effets sur leur santé s’aggravant. Ainsi, un patient sur quatre vient consulter trop tardivement à la fois par manque d’argent mais aussi par peur des contrôles policiers : 95% des personnes accueillies par MdM sont étrangères. Ces « populations marginales », visées directement par les politiques publiques de sécurité et d’immigration, en paient le prix fort.
Les femmes enceintes n’échappent pas à cette misère et MdM déplore que seulement 23% d’entre elles aient un logement stable alors que 8% d’entre elles vivent dans la rue. Dans ces conditions, le suivi de leur grossesse est bien évidemment défectueux : premier contact tardif, nombre de consultations prénatales et d’échographies insuffisant, dépistage de pathologies liées à la grossesse médiocre. Cette précarisation touche également les mineurs dont la fréquentation des centres de Médecins du Monde a augmenté de 30% depuis 2010.
Parmi ces jeunes, le rapport de MdM relève que la moitié a moins de 7 ans dont à peine le tiers bénéficie d’un suivi par la Protection maternelle et infantile (PMI) ; seul un enfant sur trois parmi les moins de 6 ans est à jour dans ses vaccinations. Cette situation montre « un net décrochage sur le plan sanitaire », regrette le Dr Olivier Bernard, président de MdM alors qu’avant les « filets de protection sociale faisaient qu’en France, femmes enceintes et enfants étaient pris en charge quelle que soit leur situation économique et administrative ».
Interventions humanitaires en France
Les conditions déplorables dans lesquelles vivent ces personnes favorisent le retour de maladies intimement liées à la pauvreté. Tuberculose, rougeole, coqueluche, gale, hépatite A connaissent ainsi une recrudescence parmi les migrants. A tel point que les équipes de Médecins du Monde mettent maintenant en place des réponses d’urgence sanitaire. Ainsi à Calais, MdM a distribué du matériel de survie et organisé des accès à l’eau (douches, latrines, gestion des déchets…) à destination des populations réfugiées. L’organisation a également mené des campagnes de vaccination de masse afin de juguler des épidémies. Et, pour la première fois, l’ONG a distribué de l’aide alimentaire à Lyon et à Marseille.
Autant de dispositifs normalement utilisés « en zone de conflit ou après une catastrophe ; nous sommes en train de basculer vers des interventions de type humanitaire », déplore Médecins du Monde. De plus, ces opérations se déroulent fréquemment sur fond de répression policière : destruction de matériel de première nécessité, interruption des campagnes de vaccination sans compter les arrestations aux abords des lieux de consultation et de distribution de colis. Forte de ce constat, l’ONG interpelle les candidats à la présidentielle française de 2012 en les mettant en garde contre « leur indifférence qui pourrait aggraver le risque d’une crise humanitaire aux portes du système de santé français ».