Affaire Bettencourt : vers une mise en examen du procureur Courroye pour espionnage

L’affaire Bettencourt connaît, ce mercredi 28 septembre, des rebondissements inédits. Alors que l’ex-comptable de la milliardaire réaffirmait, ce matin dans Libération, que l’ancien ministre Eric Woerth avait bien touché de l’argent de la part du clan Bettencourt, c’est au tour du procureur en charge du dossier à ses débuts d’intéresser la justice. Soupçonné d'avoir ordonné l’analyse des relevés téléphoniques de deux journalistes du Monde qui enquêtaient sur l’affaire, Philippe Courroye vient d'être convoqué par la juge d'instruction Sylvia Zimmermann en vue d'une mise en examen.

C’est une figure incontournable du « feuilleton judiciaire Bettencourt » qui pourrait se retrouver mis en examen. Philippe Courroye, 52 ans, procureur de Nanterre, enquêtait entre juin et novembre 2010, sur plusieurs délits en lien avec la milliardaire dont certains mettaient en cause l'ancien ministre du Budget et trésorier de l’UMP, Eric Woerth. Réputé proche de Sarkozy, Philippe Courroye était alors dans le collimateur des syndicats de magistrats et de l’opposition pour son manque d'impartialité et pour son refus obstiné de confier cette affaire, jugé très délicate, à un juge d’instruction. Chose à laquelle il a été contraint en novembre dernier.

Or, au cours de son enquête, Philippe Courroye aurait ordonné l’analyse des relevés téléphoniques de deux journalistes du Monde travaillant sur l’affaire Bettencourt afin de connaître leurs sources. C’est en tout cas l’objet de la plainte du journal, qui amène aujourd’hui la convocation du procureur devant la justice, pour une probable mise en examen. La juge d’instruction parisienne Sylvia Zimmermann vient en effet d’ouvrir une information judiciaire pour « atteinte au secret des correspondances par personnes dépositaires de l’autorité publique ». Une « mise en cause calomnieuse », selon le procureur Courroye.

Squarcini et Péchenard entendus

Dans cette nouvelle affaire dite « des fadettes » - ces factures téléphoniques détaillées – le magistrat n’est pas le seul dans le collimateur de la juge Zimmermann. Bernard Squarcini, patron de la DCRI (le renseignement intérieur) et Frédéric Péchenard, directeur de la police nationale, seraient également concernés.

Ils seront d’ailleurs tous deux entendus dans le courant du mois d’octobre par la justice comme témoins assistés, afin de déterminer comment la DCRI a tenté d’identifier la source d’un troisième journaliste du Monde travaillant également sur l’affaire.

Eric Woerth une nouvelle fois mis en cause

Cette convocation du procureur Courroye intervient alors que l’ex-comptable de l’héritière de L’Oréal Liliane Bettencourt, réitère ses accusations à l’encontre d’Eric Woerth. Dans un entretien donné au journal Libération, daté du 28 septembre 2011, Claire Thibout assure que l’ancien ministre du Budget et ancien trésorier de l’UMP a reçu une enveloppe de billets de la part de Patrice de Maistre, le gestionnaire de la fortune des Bettencourt, en 2007. Une accusation qu’elle avait déjà formulée, il y a un an, alors que l’enquête était toujours diligentée depuis Nanterre, puis qu’elle a de nouveau confirmé, le 14 septembre dernier devant les trois juges d’instruction bordelais désormais en charge de l'affaire.

Déjà empêtrée dans « l’affaire des mallettes » liée à la Françafrique et dans celle de l’attentat de Karachi, la droite française se serait bien passée de cette nouvelle mise en lumière du dossier Bettencourt. Car au-delà d’Eric Woerth - aussi soupçonné d’avoir favorisé l’emploi de sa femme auprès de la milliardaire - c’est le président de la République qui pourrait en subir les répercussions, puisque des questions se posent sur le financement de sa campagne de 2007. La somme de 50 000 euros évoquée par l’ex-comptable aurait ainsi transité de main à main, trois mois avant le premier tour de l’élection présidentielle.

De nombreuses visites de politiques

Claire Thibout , qui a été la comptable des Bettencourt de 1995 à 2008, explique qu’elle préparait fréquemment des enveloppes de billets, à partir de montants pouvant atteindre 150 000 euros, pour le compte d’André Bettencourt, décédé en 2007. Elle réaffirme également que de nombreuses figures de la droite française tels que Pierre Messmer, François Léotard, Renaud Donnedieu de Vabres, mais également Nicolas Sarkozy et sa femme de l’époque, Cécilia, ont rendu visite aux Bettencourt. « Je ne dis pas que tous venaient pour ça, mais il est clair que certains venaient pour ça », assure-t-elle.

Sur Canal +, Claude Guéant, ministre de l’Intérieur et proche du chef de l’Etat, a été le premier à réagir. Il dénonce une « dérive grave » pour la démocratie et fustige les « procès à l’emporte-pièce » faits dans la presse.

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