Une porte entrouverte qui donne sur le jardin, un rideau qui bouge. Une foule fanatique dans la boue qui épaule une femme pour la sacrifier. Quand Eve se réveille et se lève, sa vie tremble. Des scènes oppressantes qui ouvrent le film et nous enferment dans l’histoire.
Lynne Ramsay narre la vie d’Eva, une femme heureuse, jusqu'à ce que l’enfant arrive. Elle sera vite débordée par son bébé et préfère le bruit des marteaux-piqueurs aux cris ininterrompus de son nouveau-né. Kevin grandit, mais il n’adresse toujours pas la parole à cette femme qu’il ne nomme jamais maman. Il reste extrêmement bizarre, navigue entre autisme et mauvaise foi. De l’autre côte, le mari et le médecin tempèrent la colère de la mère et lui font comprendre que tout est normal. Ainsi, Kevin devient le centre du monde familial, au détriment de la mère. La seule passion du petit monstre est le tir à l’arc. Il cherche sans cesse des buts et des limites. Comme il n’en trouve pas au sein de sa famille, il décoche ses flèches… et atteint son but. Après le massacre, il semble comblé, heureux, pour la première fois.
Le film parle de la culpabilité
Pour la réalisatrice écossaise « tout le film parle de la culpabilité ». Ramsay nous donne le vertige avec ses séquences entrecoupées. Pour elle, il s’agit d’« un film rempli d’émotions ». Lynne Ramsay nous épuise (trop ?) avec les couleurs de sang, images troublées et cauchemars répétés. Les flashbacks et la bande-son à l’esprit moqueur nous balladent entre la prison, la vie bourgeoise bien rangée d’autrefois et le calvaire de la mère après le drame. Elle, qui avait toujours souffert le plus des manipulations de son fils, se sent coupable et accepte la punition de rester vivre dans la petite ville où chaque habitant la déteste et la terrorise.
Ce n’est pas un film d’horreur, mais un film sur la famille. Tilda Swinton excelle dans le rôle de la mère « intériorisée et très seule » qui se balade avec un regard vide, digne d’un fantôme. Le jeune comédien Ezra Miller (« J’ai vraiment peur d’avoir un peu de Kevin en moi ») réussit l’exploit d’incarner à merveille l’enfant maléfique tout en restant crédible et énigmatique. C’est Kevin, après deux ans en prison, qui a le mot de la fin sur question du pourquoi : « Avant, je le savais, maintenant je ne le sais plus. »