RFI : Vous aimez raconter des histoires. Est-ce qu’on peut vous présenter comme un cinéaste conteur ?
Michel Ocelot : On peut. Tout à fait.
RFI : Vous adorez cela depuis toujours ?
M.O. : Je pense que je l’ai aimé de tous temps et à mesure que j’ai grandi, je suis devenu de plus en plus conteur. Au départ – je le suis encore – j’étais essentiellement dessinateur et je m’exprimais par le dessein. Je sens en grandissant, car je continue à grandir, qu’inventer des histoires et bien les raconter, c’est ce qui me tient vraiment éveillé.
RFI : Et vous dites souvent aussi que vous êtes sorcier, un peu.
M.O. : C’est une évidence !
RFI : Deux enfants, une salle de projection. « Et si j’étais ? » Votre film Les contes de la nuit commence comme un jeu enfantin. En même temps, c’est un peu une métaphore de ce que vous proposez au cinéma. « Et si j’étais… ? » Et hop ! Voilà l’histoire partie !
M.O. : Oui, ce début est aussi la célébration de mon métier que j’aime énormément. C’est l’envie de dire aux gens : « Critiquez ce qu’on vous présente ». Ces enfants critiquent les contes qui les inspirent, mais qui leur semblent insuffisants. Et puis je leur dit : « Ne vous contentez pas de rêvasser. Retroussez vos manches, dessinez, déguisez-vous et faites quelque chose ». C’est aussi le plaisir d’être ensemble avec des gens qui écoutent et quelqu’un qui raconte une histoire. Et c’est très différent du plaisir du long-métrage traditionnel, où au bout d’un moment on oublie qu’on est au cinéma. Et là, j’ai toujours envie qu’on soit ensemble et qu’on joue ensemble, et qu’on le sache.
RFI : En fait, votre film est une succession de courts-métrages. Ce sont six contes mis les uns à la suite des autres. A chaque fois on revient dans la salle de cinéma, et les enfants se disent « Et si j’étais ?... » Et ils deviennent ainsi loup garou, prince, princesse, etc.
M.O. : Oui, j’aime faire des cadeaux. Et les cadeaux, il faut d’abord les envelopper. Le plaisir du cadeau c’est le ruban, le papier, la boîte. C’est aussi le plaisir du théâtre, où on attend devant le rideau. On sait qu’il y a des choses derrière, puis il y a les trois coups et ça s’ouvre… Cette attente fait partie du plaisir.
RFI : Donc les enfants se déguisent, et on passe d’une histoire à une autre, qui nous emmène chaque fois dans des époques différentes et sur des continents différents. Quel est le lien entre toutes ces histoires ? « J’y ai vu l’amour » ?
M.O. : Dans un premier temps j’aurais tendance à dire « Mais il n’y a aucun lien ». Parce que je veux que tout soit différent chaque fois, qu’il y a des surprises agréables. Le lien c’est que c’est le même bonhomme qui raconte. Ce que j’aime c’est la beauté toute bête. Et j’ai essayé de faire de belles choses, d’offrir une heure et demie de beauté.
RFI : Est-ce votre côté sorcier ?
M.O. : Mon côté sorcier, parce qu’au début rien n’existe. Il n’y a rien ! Et puis je pense à des choses, je fais des croquis. Petit à petit, d’autres sorciers viennent avec moi et ils sont tout à fait d’accord. Et un jour, il existe quelque chose et cela va toucher les gens, alors que cela n’existait pas avant. Il y a plusieurs sorcelleries. Il y a aussi la sorcellerie du cinéma. Ce qui me touche beaucoup c’est qu’on se défonce complètement ! On fait le maximum ! Mais ça reste gravé dans la pellicule, le DVD ou autre chose, à mesure que la technique continue. Mais cela fait le tour du monde. Et en ce moment, je sais qu’à l’autre bout du monde ces films passent aussi et touchent des gens. Et cela est une sorcellerie extraordinaire ! C’est le cinéma.