Les interventions militaires françaises vont coûter cher en 2011

Alors que les troupes vont défiler ce jeudi 14 juillet 2011 sur les Champs-Elysées à l’occasion de la fête nationale, l’armée française se trouve engagée sur plusieurs points chauds du globe. Les coûts exorbitants des interventions militaires rendent compliquée la poursuite de la politique étrangère de la France avec un budget de la Défense en diminution.

« Il faut savoir finir une guerre ». Auteur d’une visite surprise à Kaboul où il est resté quelques heures mardi 12 juillet 2011 en compagnie des troupes françaises engagées dans la lutte contre les talibans, le président Nicolas Sarkozy a confirmé le rappel d’un quart des effectifs d’Afghanistan d’ici à la fin 2012 (soit 1 000 des 4 000 hommes présents sur le théâtre des opérations). Ce sera la première phase d’un retrait qui devrait être total à l’horizon 2014.

Dépenses non budgétées

Par un cruel concours de circonstance, le lendemain mercredi 13 juillet, cinq soldats français trouvaient la mort dans un attentat suicide à Joybar dans la région de la Kapisa, portant du même coup à 69 le nombre de militaires français tués en Afghanistan depuis mars 2002. Avec dix opérations en cours (Afghanistan, Libye, Liban, Côte d’Ivoire, Tchad, Kosovo, Sahel, RDC, Côtes guinéenne et somalienne), l’armée française compte aujourd’hui 13 000 hommes engagés sur le terrain, contre 9 000 l’an dernier. Cela représente pratiquement la moitié des effectifs déployés en dehors de la métropole dont le nombre est estimé à 27 000 militaires répartis à travers le monde.

A elle seule, l’opération libyenne mobilise actuellement 4 300 hommes et nécessite des moyens matériels considérables qui engagent des coûts en rapport : au moins 1,2 million d’euros dépensés par jour, soit déjà plus de 100 millions depuis le début des opérations. Si le Parlement français vient de se prononcer à une très large majorité en faveur de la poursuite de l’intervention qui vise à faire tomber le régime Kadhafi, le montant total des opérations extérieures de la France devrait largement dépasser le milliard d’euros en 2011, soit près du double de la somme qui avait été budgétée (640 millions).

Evidemment, ces surcoûts tombent mal, à un moment où l’État est obligé de se serrer la ceinture à cause du déficit public. Alors qu’il représentait encore 3% du PIB en 1989 avant la fin de la guerre froide, le budget de la défense a pratiquement diminué de moitié : 1,6% du PIB en 2010, soit 32,2 milliards d’euros (par comparaison le Royaume-Uni consacrait 48,6 milliards d’Euro à sa défense en 2010). En 2012, la part de la défense dans le budget pourrait baisser à 1,5 % et la diminution des effectifs se poursuivre. A ce jour, 34 000 des 54 000 suppressions de postes prévues dans le plan de restructuration en cours ont déjà eu lieu.

Seuil critique

Alors, la France a-t-elle encore les moyens de ses ambitions ? Selon Bastien Irondelle, du Centre d’études et de recherches internationales (CERI) interrogé par Le Monde daté du 13 juillet 2011, elle veut continuer à « boxer » au-dessus de sa catégorie en préservant sa panoplie nucléaire et conventionnelle tout en nourrissant son industrie d’armement. Même si elle a réintégré l’Otan en 2009, la France risque néanmoins, selon lui, d’atteindre bientôt un seuil à partir duquel elle devra « réviser ses ambitions politico-stratégiques ».

Conscient des difficultés, l’amiral Edouard Guillaud, chef d’état-major des armées, se refuse à tout alarmisme. S’il reconnaît, dans un entretien accordé au quotidien économique Les Echos du 13 juillet 2011, que « l’ensemble du système est sous tension » à l’heure actuelle, il récuse l’idée selon laquelle les forces armées françaises seraient « en surchauffe ». Et il renvoie au Livre blanc de la Défense nationale édicté en 2008 qui fixait comme objectif de pouvoir projeter 30 000 hommes sur un théâtre d’opération pendant un an ; ou bien 10 000 hommes sur quatre ou cinq théâtres simultanés. Ce Livre blanc sera actualisé en 2012. Il lui faudra alors tenir compte du nouvel état géopolitique du monde autant que des nouvelles contraintes économiques.
 

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