Le Quai Branly fouille dans le futur des Mayas au Guatemala

Un intérêt grandissant pour une culture florissante, des découvertes archéologiques quasi quotidiennes… Oui, on parle bien de la civilisation maya. Le musée du Quai Branly à Paris présente jusqu'au 2 octobre Maya, de l’aube au crépuscule, un échantillon exquis de 160 pièces issues du gigantesque héritage de la culture millénaire maya au Guatemala.

La petite figurine anthropomorphe en céramique qui nous regarde à l’entrée est datée entre 400 av. J.-C. et 100 apr. J.-C. Avec sa position assise, son regard lointain et ses formes généreuses, elle a l’air gentil et inoffensif des cultures lointaines et disparues.

L’aube de la civilisation maya se situe il y a quatre millénaires. Que reste-t-il des Mayas aujourd’hui ? Un peuple détruit et une culture disparue dont le seul but, aujourd’hui, consisterait à faire vénérer les vestiges par le plus grand nombre ? L’exposition attend jusqu’à la fin du parcours pour nous donner la réponse et nous catapulter dans la réalité. Un tout petit film de David Lebrun démontre magistralement la renaissance de cette culture  issue du monde précolombien.

Une culture riche de 22 langues mayas

Le Guatemala est le centre d’une région où les Mayas vivent depuis toujours. Un peuple qui représente l’une des civilisations anciennes les plus importantes du monde. Pendant les derniers cinq siècles, leur culture et leur identité ont été opprimées, leurs noms christianisés, leurs langues interdites. Et puis, soudainement, arriva un tournant. C’était dans les années 1980, la

guerre civile en Guatemala avait à nouveau pris pour cible les villages des Mayas. Les Mayas prennent alors conscience de leurs traditions, apprennent assidûment leurs 22 langues historiques, s’intéressent profondément à leurs origines, déchiffrent inlassablement les glyphes et affirment avec force leur identité millénaire.

C’est pour cela que les photos contemporaines à la fin de l’exposition -montrant des costumes traditionnels, des cerfs-volants géants de Sumpanggo, le drame dansé Rabinal Achi ou un rituel du feu célébré par le guide spirituel devant le Temple du grand Jaguar - n’ont rien d’anecdotique. « C’est une vraie pratique, confirme Fabienne de Pierrebourg, responsable de la collection des Amériques au musée du Quai Branly. Cela a été sauvegardé un peu en cachette, surtout à l’époque de la colonisation quand cela a été interdit. Mais ces pratiques ont été conservées jusqu’à nos jours. » La partie contemporaine renvoie les chefs-d’œuvre de Maya, de l’aube au crépuscule au cœur de notre monde actuel.

La lutte entre les souverains
 

Le parcours chronologique laisse défiler des pièces significatives de chaque période. La grande affiche de l’exposition dévoile une mosaïque de coquillage et jade qui, dans sa vitrine, se révèle être de toute petite taille. Derrière cette coiffe ornée se cachent une liberté radicale dans la forme et dans l’expression et le Dieu de la Mort qui accompagnait autrefois un jeune adulte. Un très bel exemple de la créativité et l’inventivité des artistes mayas à l’époque du classique récent (550-800 apr. J.-C.). Or cet encensoir en céramique qui montre la virtuosité des potiers sous forme d’un théâtre anthropomorphe époustouflant (250-550 apr. J.-C.). Il y a aussi des pièces étonnantes comme ce marqueur de terrain de jeu de balle (550-800 apr. J.-C.). « On ne sait pas exactement quelle est leur l’utilité, avance Fabienne de Pierrebourg, responsable des collections des Amériques au musée du Quai Branly.  Ce qu’on sait, c'est qu’ils nous parlent de la lutte entre les souverains, entre deux équipes de souverains. Ces marqueurs parlent de la lutte cosmique des astres. Parce que la terre est plate et il y a toujours la lutte entre l’obscurité et le jour. Les jeux de balles reproduisent cette lutte. La balle qui n’est autre que le soleil. »

Trois mille sites archéologiques de la civilisation maya sont aujourd’hui officiellement répertoriés. « Seuls 5 % des sites archéologiques sont ouverts aux visiteurs, regrette le ministre guatémaltèque de la Culture et des Sports, Hector Escobedo. Et 95 % des sites n’ont pas encore été fouillés par manque de moyens. » Dominique Michelet, archéologue au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), et homme de terrain qui travaille depuis deux ans sur une fouille franco-guatémaltèque où l’on a trouvé beaucoup de pièces, précise : « Au Guatemala, il y a une moyenne de 25 projets par an ! »

Pourquoi la civilisation maya s'est-elle effondrée ?

Chaque équipe de chercheurs espère trouver enfin une réponse à la question délicate portant sur les raisons exactes de l'effondrement de la civilisation maya s’est effondrée. Apparue à la fin du IIIe millénaire, la civilisation maya connaît son apogée politique et économique et culturel entre le VIe et le IXe siècle. Pendant la période classique finale (800-1000 apr. J.C.), la civilisation entre en décadence : à cause d’une surexploitation des forêts, des famines, des sécheresses, des changements climatiques, des crises sociales et des guerres. La conquête espagnole au XVIe marque le début de la fin de la civilisation. « Le dernier bastion à s’être rendu est le site de Tayasal, en 1697 », explique Juan Carlos Meléndez, commissaire de l’exposition et directeur du Museo Nacioinal de Arqueologia y Etnologia de Guatemala qui prête la majeure partie des œuvres.

Mais, l’effondrement de la société maya ne signifie absolument pas la fin de sa tradition, remarque Fabienne de Pierrebourg : « 55 % de la population guatémaltèque sont aujourd’hui d’ascendance maya. Il reste les langues mayas, les vêtements, la pensée, l’écriture. Il y a des écrivains mayas qui transmettent, tout en écrivant la poésie, des textes actuels qui transmettent des idées et une pensée maya avec une langue maya. »

  

 

Maya, de l’aube au crépuscule, exposition au musée du Quai Branly, jusqu’au 2 octobre.
Le 1et 2 juillet, le musée du Quai Branly organise un colloque international : « Sociétés mayas millénaires : Crises du passé et résilience »

 

 

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