Une décision que la ministre a paru anticiper puisqu’elle a déclaré le mercredi 25 mai sur France 2 qu’une poursuite de l’enquête ne la dérangerait pas du tout. Elle a ajouté : « C’est un dossier creux dans lequel j’ai totalement respecté la loi, je n’ai avantagé personne, j’ai souhaité solder un gros reliquat d’un passé un peu triste du Crédit lyonnais ».
Un dossier vide, estime également Matignon. L’entourage de François Fillon a souligné le jeudi 26 mai que le dossier Christine Lagarde ne comportait « aucun danger sur le plan juridique » et que cette affaire « n’avait pas de sens ».
Le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, ne semble pas être de cet avis. Dans une lettre adressée le 10 mai dernier à la commission des requêtes de la CJR et dont le site Mediapart révèle de larges extraits, il écrit : « Madame la ministre a constamment exercé ses pouvoirs ministériels pour aboutir à la solution favorable à Bernard Tapie. La qualification d’abus d’autorité peut être envisagée ».
Procédure privée, argent public
La ministre pourrait donc être mise en cause en raison du choix de la procédure d’arbitrage dans le cadre du litige entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais : en 2008 un tribunal arbitral avait condamné le Consortium de réalisation, chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais, à verser 240 millions d'euros à Bernard Tapie, en plus d’une centaine de millions d'intérêts et 45 millions pour préjudice moral.
Le parquet général de la Cour de cassation reproche à Mme Lagarde d'avoir recouru à cette procédure privée dans une affaire mettant en jeu des deniers publics. Il s'interroge aussi sur l'évaluation des sommes accordées à Bernard Tapie et sur l'impartialité des arbitres.
Par ailleurs, l'homologue de Jean-Louis Nadal à la Cour des comptes vient d'adresser deux réquisitoires à la Cour de discipline budgétaire et financière, la juridiction chargée de juger les actes de certains gestionnaires publics. Ce réquisitoire vise deux hauts fonctionnaires ayant agi sur ordre de la ministre : l’ancien président du Consortium de réalisation, Jean-François Rocchi, et Bernard Scemama l'ancien président de l'Etablissement public de financement et de restructuration sont soupçonnés d'irrégularité dans l'affaire Tapie.
Et enfin, le député Nouveau centre Charles de Courson tente de remettre en cause la sentence arbitrale par un recours devant le Conseil d'Etat. Bernard Tapie a conservé, après règlement de ses passifs fiscaux et sociaux, environ 210 millions d'euros, selon le député et non 30 millions comme l'avait dit Christine Lagarde.