Lors de sa dernière intervention télévisée, Nicolas Sarkozy lui-même avait mis en garde contre les risques liés à une immigration massive en provenance de Tunisie ou de Libye. La semaine dernière, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant avait décidé de bloquer la circulation des trains arrivant de Vintimille en Italie dans lesquels se trouvaient des migrants en provenance de ces pays. Et maintenant, l'Elysée envisagerait de proposer la suspension provisoire de l'accord de Schengen qui permet la libre-circulation dans les pays signataires pour faire face à cet afflux incontrôlé d'immigrés.
A quelques jours d'un sommet franco-italien dont l'immigration sera incontestablement le sujet principal, cette annonce montre une nouvelle fois la détermination de Nicolas Sarkozy à faire preuve de fermeté sur une question très sensible et à ne pas céder face aux autorités italiennes qui, pour ne pas supporter seules la charge de cette vague d'immigration, ont décidé d'octroyer des permis de séjour de six mois aux migrants arrivés sur son sol afin qu'ils puissent se rendre en France notamment.
Au-delà du bras de fer avec Rome, le fait d'ouvrir le débat sur un éventuel rétablissement des contrôles aux frontières en Europe représente un message de Paris envoyé aux pays d'origines des migrants, aux partenaires européens mais aussi aux électeurs français.
Une suspension pas inhabituelle
Il faut rappeler qu’avec la libre circulation des marchandises, celle des capitaux et celle des services, la libre circulation des citoyens constitue l’une des quatre libertés fondamentales qui sous-tendent la construction européenne depuis plus de 60 ans. Economiquement, c’est la moins significative des quatre, mais politiquement et psychologiquement, c’est la plus visible.
Lancée en 1985 par la France, l’Allemagne et le Benelux, lors d’une cérémonie discrète dans le village viticole luxembourgeois de Schengen, les accords qui portent ce nom n’ignorent pas en effet le risque d’un afflux massif et simultané de réfugiés civils, originaires d’un même pays ou d’une même région, et fuyant une zone de combats ou le désordre économique engendré par ces combats.
Dès son article 2, la Convention d’application des accords de Schengen, signée en 1990, et étendue depuis à 26 pays, décrit clairement les situations qui peuvent justifier la réintroduction provisoire de contrôles d’identité aux frontières intérieures de l’espace Schengen, plus récemment rebaptisé « Espace européen de liberté, de justice et de sécurité ».
Si la sécurité publique d’un Etat européen est menacée (par exemple lorsque des renseignements reçus donnent à penser qu’un attentat terroriste se prépare), si l’ordre public est en cause (par exemple lors d’une manifestation politique interdite ou d’une rencontre de football) ou alors si la santé publique est en péril (par exemple en cas d’épidémie ou d’épizootie), alors l’Etat en question peut suspendre le temps nécessaire la libre circulation des personnes. Et cela se passe très régulièrement et de façon routinière, et ce depuis plus de 15 ans.