Nicolas Sarkozy veut donner un nouveau souffle à la diplomatie française

Dimanche 27 février 2011, au cours d'une brève allocution radiotélévisée, Nicolas Sarkozy a annoncé l'arrivée d'Alain Juppé au Quai d'Orsay en remplacement de Michèle Alliot-Marie. Le départ de MAM est dû à ses atermoiements face à la révolution tunisienne, ses vacances dans un pays en révolution et ses propos contestables, lorsqu'elle avait expliqué par exemple qu'elle n'était plus ministre lorsqu’elle était en vacances. Mais l'arrivée du nouveau chef de la diplomatie française a pu se faire à quelques conditions.

Alain Juppé connaît bien le Quai d’Orsay pour l'avoir dirigé de 1993 à 1995 dans le gouvernement d'Edouard Balladur. Un temps en novembre 2011, ce poste lui avait déjà été proposé, mais il y avait mis des conditions, à savoir : avoir les coudées franches sans avoir à composer avec Claude Guéant et le conseiller diplomatique de l'Elysée, Jean-David Levitte. N'ayant pas eu alors satisfaction, il avait décliné l'offre du ministère des Affaires étrangères pour accepter celui de la Défense. Cette fois-ci la donne a changé.

Depuis trois mois, Alain Juppé a pris du poids dans le gouvernement éclipsant même François Fillon. Assis à la droite du chef de l'Etat à la table du Conseil des ministres, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy avaient, ces derniers temps, beaucoup d'apartés. Devenu le nouvel homme fort du gouvernement, le maire de Bordeaux a posé de nouveau ses conditions. Plus de Claude Guéant en sous-marin. Ni de diplomatie parallèle. Une façon pour celui que Jacques Chirac qualifiait « de meilleur d'entre nous » d'imprimer sa marque plus facilement et d'avoir les coudées franches pour reprendre en main une diplomatie française décrédibilisée.

Interventionnisme

Tout en reconnaissant les errements de sa diplomatie face aux révoltes qui ont fait chuter les régimes tunisien et égyptien, Nicolas Sarkozy a promis une « ère nouvelle dans nos relations avec ces pays ». Mais aussi en nommant Claude Guéant à l'Intérieur une nouvelle ère au sommet de l'Etat.

Avec le départ de Claude Guéant de l'Elysée pour le ministère de l'Intérieur et de l'Immigration, Nicolas Sarkozy se sépare ainsi de son éminence grise. Jusqu'alors, cet ancien préfet de 66 ans, était secrétaire général de la présidence française où il s'était aménagé un vaste champ d'action dans le domaine diplomatique, multipliant les missions plus ou moins discrètes au Moyen-Orient ou en Afrique, au risque de court-circuiter le Quai d'Orsay. Il s'est notamment rendu à Abidjan, à Nouatchok et à Kigali.

Et Jean-Christophe Ruffin, ambassadeur de France au Sénégal de 2007 à 2010 de témoigner, ce dimanche 27 février dans le journal Le Parisien, à propos de cette interventionnisme de Claude Guéant sur l'action de Bernard Kouchner, quand ce dernier était au Quai d'Orsay : « Durant 3 ans, son action a été tout le temps bafouée par des interventions de l'Elysée ». Avant d'ajouter que « même si le président de la République définit et conduit la politique étrangère, ce qui est normal, il faut qu'il le fasse en lien avec le réseau diplomatique, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. » Pour l'écrivain, il y a un découpage extrêmement grave entre ce qui se décide à l'Elysée et les diplomates du Quai d'Orsay.

Lévitte et Parant restent à l'Elysée

En effet, Jean-David Levitte, le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, qui avait également occupé les mêmes fonctions sous Jacques Chirac, reste chef de la cellule diplomatique de l'Elysée même si le bruit a couru ces derniers jours qu'il aurait fait valoir ses droits à la retraite. A l'Elysée, on dément cette information. « Ce n'est qu'une parution automatique au Journal officiel », fait-on savoir à l'Elysée. « Et Jean-David Levitte n'a pas l'intention de partir », souligne l'entourage du chef de l'Etat. A 64 ans, le sherpa de Nicolas Sarkozy restera donc bien aux côtés du président pour mener à bien la présidence française du G8 dont il s'occupe. Silence en revanche du côté de l'Elysée sur la modification ou non de son champ d'action au regard des conditions mises par Alain Juppé.

Le très discret André Parrant reste toujours en charge des Affaires africaines au sein de la cellule diplomatique. Quant à Robert Bourgi, il n'a jamais fait partie du dispositif diplomatique de l'Elysée, assène un conseiller de Nicolas Sarkozy. Considéré comme l'héritier spirituel de Jacques Foccart, Robert Bourgi est pourtant proche du pouvoir, il milite en sous main pour la poursuite de relations privilégiées entre la France et certains chefs d'Etat du pré-carré. Il a joué, souvenez-vous à la demande d'Omar Bongo et de Denis Sassou Nguesso, un rôle décisif dans l'éviction de Jean-Marie Bockel de son poste de secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie.

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