2010, l’année Fillon

Cela aurait pu être l’année des désillusions pour François Fillon mais, finalement, 2010 a été celle de l’émancipation. Reconduit dans ses fonctions de Premier ministre, il a entamé une nouvelle étape de son parcours politique aux côtés de Nicolas Sarkozy, plus libre dans ses actes et ses paroles, jusqu’à être présenté comme un hyper-Premier ministre.

L’année a mal commencé pour François Fillon. Le décès de Philippe Séguin au tout début du mois de janvier a, en effet, touché au cœur le Premier ministre. Philippe Séguin, c’était pour lui une référence politique, un compagnon, une sorte de mentor. Hasard ou coïncidence ? C’est cette même année que François Fillon s’est émancipé face à Nicolas Sarkozy. Celui que le président de la République avait traité de simple « collaborateur » au début de son quinquennat, signe du peu de considération qu’il accordait alors à son Premier ministre, a réussi en 2010 le coup de force de s’imposer à Matignon avec un bail renouvelé presque certainement jusqu’à la fin du mandat du président.

Et pourtant, cela n’était pas gagné d’avance. La campagne pour les élections régionales au cours de laquelle François Fillon s’est largement impliqué, multipliant les déplacements et les meetings, n’a pas porté ses fruits. La majorité a subi une lourde défaite. Et le Premier ministre, qui avait plaidé en faveur d’un remaniement important et rapide après ce revers, n’a pas obtenu gain de cause. Le président de la République a préféré repousser l’échéance à l’automne, notamment pour se laisser le temps de préparer son éventuel remplacement.

Marquer sa différence

Il n’était donc pas écrit que François Fillon demeurerait à Matignon. Et lui-même semblait convaincu d’avoir peu de chances de rester en place. A tel point qu’il s’est permis de briser quelques tabous comme celui d’employer le mot « rigueur », pourtant proscrit du langage « sarkozyen », à l’occasion d’un déplacement au Japon au début de l’été. Premier signe de distance bientôt suivi par d’autres à la rentrée de septembre, notamment sur la politique sécuritaire initiée par le discours de Grenoble et les expulsions de Roms à propos desquelles il a préconisé d’éviter la « surenchère », ou sur la réduction des niches fiscales dont il a reconnu qu’elle représentait une « augmentation d’impôts ». Point d’orgue de cette mue, une interview télévisée au cours de laquelle François Fillon a revendiqué son émancipation en affirmant que Nicolas Sarkozy n’avait jamais été son « mentor ». Par petites touches, le Premier ministre a marqué sa différence et repris sa liberté de parole après trois années passées à ronger son frein.

Plus détaché en apparence, il n’en a pas moins continué à jouer sa carte. Notamment lors de son long entretien en tête à tête avec Nicolas Sarkozy, à la fin de l’été, au Fort de Brégançon, où le président de la République avait réuni quelques ministres pour préparer la rentrée. Les deux hommes ont semble-t-il joué franc jeu et envisagé toutes les options pour le remaniement : continuité ou changement, poursuite des réformes ou virage social, Fillon ou Borloo ? Le duel entre le Premier ministre et le ministre de l’Ecologie a d’ailleurs constitué le feuilleton politique de l’automne jusqu’au verdict rendu le 14 novembre. François Fillon a gagné et Jean-Louis Borloo a quitté le gouvernement.

Incontournable

Cette victoire à l’arraché, le Premier ministre l’a obtenue parce qu’il a réussi à se rendre incontournable. Sa popularité non démentie, son envergure politique et surtout le soutien des parlementaires UMP lui ont permis de remporter la mise et d’obtenir au passage ce petit supplément de reconnaissance qu’il attendait tant. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs entériné le changement dans leur relation dès après le remaniement en déclarant qu’il était le « meilleur Premier ministre » possible.

De là à voir dans l’ancien « collaborateur » un nouvel hyper-Premier ministre, il n’y avait qu’un pas que beaucoup de commentateurs ont franchi mais pas François Fillon qui a jugé cette formule « dérisoire ». Sa seule ambition, disent ses proches, est d’assurer la plénitude de la fonction confiée au Premier ministre, pas plus. Avec un objectif affiché : aider le président de la République, candidat naturel de la majorité, à être réélu en 2012 en lui permettant de présenter le meilleur bilan possible. Humilité ? Plutôt lucidité. François Fillon sait que son avenir à lui se jouera après. Lors des municipales de 2014 où il pourrait se présenter à Paris, et pourquoi pas lors de la présidentielle de 2017 où il pourrait disputer le leadership dans la majorité à son principal rival Jean-François Copé. Après 2010, tout devient possible.

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