Le conseil de surveillance qui devait examiner les candidatures, prévu le 16 novembre 2010, a été reporté au 23 novembre. Mais la tenue de cette réunion semblait compromise. Pourquoi l'ouverture du capital d'Areva est-elle si difficile à mener à bien ? Cela tient, en partie, au caractère particulièrement sensible de l'énergie nucléaire.
L'enjeu pour Areva est d'augmenter son capital de 15%, soit entre un milliard et demi et trois milliards d'euros pour financer ses lourds investissements. Par exemple, la seule modernisation de l'usine de retraitement du Tricastin coûte trois milliards d'euros. Parmi les candidats à l'entrée au capital d'Areva, les fonds souverains du Koweit et du Qatar. Mais le Qatar semble intéressé surtout par l'accès aux mines d'uranium exploitées par Areva. Cela représente un risque de démantèlement du groupe, si chaque activité de la filière nucléaire, jusqu’ici intégrée au sein d’Areva, était traitée séparément. Un risque dénoncé notamment par la fédération CGT (Confédération générale du travail) de l'énergie qui craint aussi l'arrivée de capitaux étrangers dans un secteur stratégique pour le pays.
Rivalités et concurrence
Par ailleurs, le groupe nucléaire japonais Mitsubishi devrait lui aussi faire son entrée au capital d'Areva, à hauteur de 2%. Et cela ne plait pas du tout au français Alstom ni à EDF (Electricité de France) qui se trouvent en concurrence avec le Japonais dans les grands contrats à l'international. Toutefois, même après cette ouverture du capital, si elle finit par intervenir, l'Etat français restera largement majoritaire.
Mais l'opération se complique encore avec la volonté du gouvernement qui s’est manifestée en juillet dernier de rapprocher les deux champions français de l'énergie Areva et EDF. EDF dispose déjà de 2,4% du capital d'Areva et pourrait passer à 5% ou 6%. Cela gêne, cette fois, les partenaires étrangers d’Areva qui craignent un favoritisme à l’égard d’EDF. Alors, entre internationalisation du capital d'Areva et constitution d'une « Equipe de France du nucléaire », quelle stratégie choisir ? Le gouvernement semble s’orienter vers une formule qui intégrerait les deux possibilités. Même si les relations entre Henri Proglio patron d'EDF et Anne Lauvergeon patronne d'Areva ne sont pas au beau fixe. Henri Proglio a même déclaré au Wall Street Journal : « L'ambition de ma vie n'est pas de prendre une part d'Areva ». De son côté, Anne Lauvergeon n’est guère pressée de voir EDF intervenir dans la stratégie d’Areva.
Curieux attelage
Or, c’est bien le manque de coordination entre EDF et Areva qui a permis, il y a un an, au sud-coréen Kepco de remporter un contrat de plus de 20 milliards d’euros pour équiper Abou Dhabi. Mais, pour autant, l'attelage choisi pour porter les couleurs de la France est-il le bon ? EDF souffre à l’international du retard de trois ans dans la construction du réacteur EPR de Flamanville, présenté comme le réacteur du futur. EDF est accusée d'avoir privilégié son extension à l'international, rachetant des concurrents étrangers, en négligeant de maintenir le niveau de savoir-faire qui faisait sa réputation.
En dépit des difficultés, le gouvernement veut toujours croire à un accord sur l’augmentation du capital d’Areva avant la fin de l’année. Parmi les analystes, le nombre de ceux qui pensent au contraire que rien de se produira avant 2011 progresse.