C'est le retour des grandes manœuvres. Après la remise du rapport Roussely, en juillet dernier, qui concluait par la nécessité impérieuse d'un partenariat stratégique entre EDF et Areva, et le rappel à l’ordre du gouvernement, les deux patrons n’avaient plus d’autre choix que de s’entendre. Il semble donc que le message soit passé, puisque Anne Lauvergeon, la patronne d’Areva et Henri Proglio, le patron d’EDF, ont enterré la hache de guerre pour mettre leur compétence en commun. Les deux poids lourds français étaient condamnés à se rapprocher depuis l’échec de l’offre française à l’appel lancé par Abou Dhabi pour la construction de centrales nucléaires. Le contrat leur avait été soufflé par la Corée du Sud, qui était plus compétitive.
Selon Le Figaro, les premières discussions entre Henri Proglio et Anne Lauvergeon, qui remontent à 15 jours, ont abouti à la mise en place de six groupes de travail. Cinq d'entre eux vont se pencher sur les enjeux industriels et le sixième sur l'aspect financier. Nicolas Sarkozy souhaite ainsi renforcer le nucléaire civil français, afin de mieux exporter nos centrales nucléaires. Le gouvernement attend que les grandes lignes de ce nouveau partenariat soient arrêtées avant la fin de l’année.
Un rapprochement qui oppose
Selon Le Figaro, l'Elysée souhaitait initialement une montée d'EDF de 10% à 15% au capital d’Areva. Dans l’après-midi, une source gouvernementale rectifiait le tir en annonçant une participation moindre, à hauteur de 5% à 6 %. Actuellement, EDF détient une participation de 2,4%. Selon un négociant en métaux, « cette augmentation est trop faible et ne sert à rien industriellement. Elle a le mérite d’ouvrir une fenêtre sur la gestion du groupe ». En effet, la nouvelle donne du paysage nucléaire français se traduira par la présence de chacun des représentants des entreprises au conseil d’administration de l’autre. Ce rapprochement suscite des interrogations de la part des opposants à ce projet, à savoir : comment les autres fournisseurs d'électricité d'Areva vont tolérer la présence de leur concurrent, Henri Proglio, au conseil d'administration, lui donnant accès à des informations importantes.
Du côté des partisans, l’augmentation d’EDF au capital d’Areva représente une nouvelle manne financière pour le groupe nucléaire français dont les besoins sont croissants. Autre argument : affaiblir le Japonais Mitsubishi Heavy Industries dont l’entrée (prévue de longue date) au capital d’Areva attise le courroux de Patrick Kron, le patron d’Alstom, (leader mondial dans les infrastructures de production et de transmission d’électricité, ainsi que dans celles du transport ferroviaire) qui ne décolère pas contre cette participation de l’un de ses concurrents.
De plus, cet accord pourrait donner naissance à « un pôle minier français digne de ce nom », vivement souhaité par l'Elysée, en fusionnant l'activité mines d'Areva et celle du producteur français de manganèse et de nickel, Eramet, présent au Gabon où les gisements d’uranium suscitent à nouveau la convoitise du groupe Areva.
Si ces manœuvres aboutissent, il est probable que l’Elysée préparera la succession d’Anne Lauvergeon dont le deuxième mandat expire à la fin du mois de juin prochain. L’Elysée voudrait « donner de la visibilité » aux futurs dirigeants du groupe.