Une semaine après la victoire du « non » au référendum en Grèce, les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro, réunis à Bruxelles, sont parvenus à un accord « unanime » pour négocier un troisième plan d'aide à la Grèce. Donald Tusk l'a annoncé sur son compte Twitter : « A l'unanimité, le sommet de la zone euro a trouvé un accord. Tout est prêt pour un programme du MES, le Mécanisme européen de stabilité, destiné à la Grèce [en contrepartie] de réformes sérieuses. »
« Nous n'avions qu'un seul objectif. Après 17 heures de négociations, nous y sommes enfin parvenus. Vous pouvez dire que nous avons un "aGreekment" », a-t-il précisé au cours d'une conférence de presse. « Il y a des conditions strictes à remplir. [...] Cette décision donne à la Grèce une chance de se remettre sur le droit chemin avec le soutien de ses partenaires européens », a également insisté le président du Conseil européen.
Tsipras se félicite d'avoir obtenu une « restructuration de la dette »
« Nous avons livré un combat juste, jusqu'au bout », a déclaré le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, qui affirme que cet accord va permettre d'assurer un financement à moyen terme de la Grèce. « Au terme d'une bataille âpre, nous avons réussi à emporter une restructuration de la dette » grecque, a-t-il par ailleurs assuré, affirmant que le texte prévoit un « programme de croissance de 35 milliards d'euros » et qu'il va permettrre également de « faire comprendre aux marchés qu'un "Grexit" n'est plus d'actualité ». « Nous continuerons de lutter afin de renouer avec la croissance, et regagner notre souveraienté perdue », a-t-il également déclaré, devant les caméras de télévision à l'issue de la réunion.
Pour le Premier ministre grec, il s'agit d'un accord « difficile » mais qui permet de « couper court au mouvement de transfert d'actifs publics [grecs] à l'étranger. Nous nous sommes épargnés un étranglement financier et un effondrement du système bancaire. »
« Tout n'est pas joué », selon Hollande
Le président français, François Hollande - qui s'est félicité de cette « décision historique » - évoque pour sa part un « reprofilage » de la dette grecque, portant sur les échéances et le niveau des intérêts. Le président français a précisé que les ministres des Finances seront chargés de définir dans le détail les mesures en vue de la signature rapide d'un accord final. François Hollande a également annoncé que l'Assemblée nationale française votera mercredi sur la déclaration de sortie du sommet de la zone euro. « Tout n'est pas joué », a prévenu le président français, qui souligne que les Parlements nationaux doivent encore se prononcer sur l'accord.
La chancelière allemande, Angela Merkel, a également souligné que « le chemin sera long et difficile » et affirmé que, de son côté, elle ne demandera pas de vote de confiance au Parlement allemand. Elle a cependant précisé qu'elle avait l'intention de soumettre le texte à une commission parlementaire allemande, sans donner de date.
Négociations marathon
Ainsi au terme d’une longue nuit de négociations intenses, un compromis partiel avait été obtenu entre l’Allemagne, la France, la Grèce et le Conseil européen. Angela Merkel, François Hollande, Alexis Tsipras et Donald Tusk étaient parvenus à un projet d'« accord à quatre » qui a ensuite été soumis aux 19 dirigeants de la zone euro.
Cette accord intervient au terme de plus de dix-sept heures de négociations entre les dirigeants de la zone euro, suivies par l’envoyé spécial de RFI à Bruxelles, Daniel Vallot. Le texte sur lequel les négociations ont été menées avaient été préparé par les ministres des Finances de la zone euro, qui avaient eux-mêmes consacré deux réunions pour parvenir à ce projet.
Un texte particulièrement dur pour la Grèce, avec des réformes qui vont encore plus loin que celles qui avaient été rejetées lors du référendum du 5 juillet : privatisations, réformes du marché du travail, obligation de soumettre au préalable aux créanciers de la Grèce tout projet de loi qui porterait sur ces questions... Le carcan est politiquement très lourd pour Alexis Tsipras, et il sera dans doute très difficile au chef du gouvernement grec de le faire accepter à ses électeurs et à l’aile gauche de son mouvement.
Le « Grexit » temporaire « plus sur la table » dès lundi matin
La Grèce rejettait au moins deux conditions posées par les pays de la zone euro dans leur projet initial. Premier point de blocage : l’idée d’un fonds indépendant et extérieur à la Grèce sur lequel seraient transférés 50 milliards d’euros d’actifs à privatiser. Ce fonds serait basé au Luxembourg et placé sous la supervision des institutions européennes. Dans l’esprit des pays de la zone euro, il doit permettre de rembourser directement la dette grecque, sans passer par Athènes. Deuxième point de blocage, la participation du Fonds monétaire international (FMI) au plan de sauvetage qui serait octroyé à la Grèce en échange de toutes ces réformes.
Pour Alexis Tsipras, ces deux points étaient inacceptables, mais le chef du gouvernement grec disposait d’une marge de manœuvre très faible pour négocier. En cas d’échec des négociations, la Grèce aurait en effet été privée de liquidités. Il aurait alors été impossible au système bancaire grec d’éviter l’effondrement complet, avec pour conséquence la sortie de la Grèce de la zone euro. Un « Grexit » temporaire qui était écrit noir sur blanc dans le document initial de l’Eurogroupe.
Mais cette idée d’une sortie pour cinq ans de la Grèce de la Zone euro, proposée par le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, n'était déjà « plus sur la table » lundi matin, a assuré Martin Schulz, président du Parlement européen. Une déclaration qui fait écho à celle de Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques, qui a estimé sur les ondes de RTL qu’« il y [avait] manifestement une volonté partagée de faire en sorte que la Grèce reste dans la zone euro ».