Avec notre envoyée spéciale à Kiev, Anastasia Becchio
Comme le permet la Constitution, et à la suite du vote d’une résolution par les députés, le tout récent président du Parlement, Oleksandre Tourtchinov est devenu, ce dimanche, le président par intérim du pays, étant considéré que le départ de Viktor Ianoukovitch entraînait de facto une vacance du pouvoir.
Les nouveaux dirigeants du pays veulent aller très vite, l’objectif étant de former un nouveau gouvernement d’union nationale d’ici mardi. Oleksandre Tourtchinov devrait présenter trois candidats au poste de Premier ministre. Les députés pourraient voter d’ici ce soir. Les candidats sont : Ie député Arseni Iatseniouk, l’un des chefs de fil de la contestation du même parti que Timochenko et Petro Porochenko, député sans étiquette et oligarque. L'opposante Ioulia Timochenko a déclaré ce dimanche qu'elle n'était pas intéressée par le poste de Premier ministre, dans un message publié sur le site internet de son parti, au lendemain de sa libération.
Premiers mandats d'arrêt
Autre décision votée par le nouveau Parlement : la destitution du ministre des Affaires étrangères. Dans le même temps, les premiers mandats d’arrêt ont été lancés envers l’ex-ministre des Revenus Alexandre Klimenko et l’ex-procureur général Viktor Pchonka qui aurait cherché à fuir en Russie.
Le nouveau ministre de l’Intérieur a déclaré au Parlement que la police coopérait avec la sécurité d’Etat et avec le parquet pour enquêter sur les graves crimes commis contre le peuple ukrainien.
De son côté, Ioulia Timochenko ne perd pas de temps ; elle va rencontrer « très prochainement » la chancelière allemande Angela Merkel avec qui elle a eu une conversation téléphonique, a annoncé, ce 23 février, son parti dans un communiqué.
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A Kiev, il y a une foule immense qui est réunie sur la place de l’Indépendance ce dimanche 23 février. Elle espère que le plus dur est passé et que les décisions prises vont permettre de sortir de la crise. Il y a aussi de l’inquiétude quand à l’avenir du pays, beaucoup d’espoir aussi.
On croise beaucoup de jeunes filles qui portent les traditionnelles couronnes de fleurs sur la tête, beaucoup d’enfants, « c’est un moment historique, c’est ici que se joue son avenir », explique un homme, tenant son jeune fils par la main. Et puis beaucoup de larmes et de recueillement, des prières aux morts qui résonnent et des files ininterrompues de personnes qui viennent se prosterner devant les mémoriaux improvisés entre les barricades en l’honneur des dizaines de victimes des affrontements meurtriers ; ils viennent y déposer des veilleuses et des fleurs.
Un Parlement contesté par de nombreux élus régionaux
Avec notre correspondant à Kiev, Sébastien Gobert
Il y a une semaine, ils étaient 118, ils sont aujourd’hui 72. Le groupe de députés du Parti des régions au Parlement se comportait comme un bloc monolithique en soutien contre vents et marées de la politique de l’ancien président Viktor Ianoukovitch. La défection de masse et même la fuite avérée de certains députés à l’étranger sont un des signes les plus criants du renversement du régime.
C’est donc un Parlement révolutionnaire en refonte totale qui s’active à constituer un nouveau gouvernement, à confier les organes de sécurité à des représentants de l’opposition, à nationaliser la résidence somptueuse de Viktor Ianoukovitch au nord de Kiev et à décider d’enquêtes multiples pour rechercher les responsables des violences meurtrières des dernières semaines.
Mais ces décisions posent beaucoup de questions quant au nouvel équilibre des pouvoirs et par rapport aux régions de l’Est et du Sud du pays qui ont annoncé ne pas reconnaître la légitimité de ce Parlement.
Environ 2 000 personnes se sont rassemblées ce dimanche sur la place principale de Sébastopol, dans le sud du pays. Elles ont répondu à l'appel du parti Bloc russe et d'association pro-russes qui dénoncent « les fascistes au pouvoir à Kiev » et pointent du doigt les nouveaux tenants des institutions.