Révolution ukrainienne: les réactions étrangères

Le basculement de l'Ukraine, samedi 22 février 2014, ponctué par les images historiques de l'opposante Ioulia Timochenko, libérée dans la journée après deux ans d'emprisonnement puis acclamée par la foule de la place de l'Indépendance, suscite des réactions prudentes dans le concert des nations. Si les Européens et les Américains saluent la sortie de prison de l'ancienne Première ministre, les Russes s'inquiètent de l'évolution de la situation.

Avec notre bureau de Bruxelles et nos correspondants à Moscou et Washington,
Muriel Pomponne  et  Jean-Louis Pourtet

Dans la confusion qui règne actuellement à Kiev, le seul élément positif et stable qui puisse être salué par des responsables européens - sans risque d'être rapidement désavoués par les évènements -, c'est la libération de Ioulia Timochenko.

Côté Union européenne, José Manuel Barroso a été le plus rapide à réagir par le biais de son compte Twitter. Le président de la Commission, qui n'a jamais caché qu'il tenait en suspicion le déroulement du procès de Mme Timochenko, estime qu'une justice indépendante est essentielle pour une Ukraine démocratique.

« Former un gouvernement provisoire »

De son côté, Martin Schulz, président du Parlement européen et candidat socialiste à la succession de M. Barroso, se réjouit également de cette libération et de l'annonce d'une élection présidentielle fixée le 25 mai prochain. En constatant avec satisfaction que le changement est enfin en cours en Ukraine, il appelle à la retenue de chacun. Même message du côté de la diplomatie française, où le ministre Laurent Fabius appelle au maintien de l'unité et de l'intégrité de l'Ukraine.

Joseph Daul, qui préside le Parti populaire européen (PPE) dont est membre la formation de Mme Timochenko, a quant à lui tenu à faire part de son soulagement et même de son « allégresse » suite à la sortie de l'ancienne égérie de la « révolution orange ». Et l'Allemagne, par le biais de son ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, souligne que la priorité est « en premier lieu d'engager des discussions pour former un gouvernement provisoire ».

« Que les Ukrainiens se concertent »

Les Etats-Unis continuent de suivre, eux aussi, de près les événements. Dans un communiqué, la Maison Blanche a salué « le travail constructif du Parlement ukrainien » et a appelé à la formation rapide d’un gouvernement d’unité nationale « large et technocratique ». Pour l’administration américaine, les buts recherchés pourraient être sur le point d’être atteints, à savoir une baisse du niveau de violence, un changement constitutionnel, un gouvernement de coalition et des élections anticipées.

La présidence américaine se félicite de la libération de Ioulia Timochenko à qui elle souhaite de « se remettre rapidement » . La chaine de télévision NBC a demandé à Samantha Power, ambassadrice américaine à l’ONU, si elle pensait que les derniers développements amèneraient l’Ukraine à se rapprocher de l’Europe ou des Etats-Unis : « Il est d’une importance critique que la violence cesse, que le compromis se concrétise et que les Ukrainiens se concertent afin qu’ils puissent déterminer leur propre avenir », a-t-elle répondu.

Les Russes capables de s'accorder avec Timochenko ?

Washington s’engage à travailler avec « ses alliés, la Russie et les organisations européennes et internationales appropriées » pour que l’Ukraine devienne un pays « prospère, uni et démocratique ». Mais la diplomatie russe, elle, campe sur ses positions. Moscou estime que l’opposition ukrainienne n’a pas respecté l’accord signé avec le gouvernement de Viktor Ianoukovitch. Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov l’a fait savoir à la troïka européenne (France, Allemagne, Pologne, mais aussi au secrétaire d’Etat américain John Kerry).

M. Lavrov continue de dénoncer des groupes extrémistes, dont les actes, dit-il, constituent une menace sur la souveraineté de l’Ukraine. Ce faisant, il abonde dans le sens des déclarations de certains responsables de l’est de l’Ukraine russophone, et surtout de Crimée, une région autonome d’Ukraine peuplée en grande partie de binationaux ukrainiens et russes. Mais la plupart des analystes estiment toutefois que Moscou ne devrait pas chercher à favoriser une partition du pays, même si certains ont pu être tentés pendant un moment. 

In fine, Ioulia Timochenko est quelqu’un avec qui Moscou peut s’entendre. Et puis, l’Ukraine ne saurait pas complètement tourner le dos à la Russie, compte tenu des importants liens économiques qui unissent les deux pays. Le pays est notamment redevable à son voisin d'une importante dette gazière. Outre les positions étatiques, les derniers évènements de Kiev suscitent par ailleurs l'espoir jusque dans les milieux libéraux russes, bien que minoritaires dans le pays. Illustration samedi devant un tribunal de Moscou, où étaient jugés huit militants d'opposition accusés d'avoir participé à une manifestation anti-Poutine (écouter le reportage ci-contre).


■ EN GÉORGIE, UNE VICTOIRE DÉDIÉE A L'UKRAINE

Hasard du calendrier, l’équipe de rugby géorgienne recevait ce samedi 22 février après-midi son homologue russe. Pour beaucoup de Géorgiens, la rencontre a été l’occasion d’exprimer leurs idées politiques contre Moscou, alors que la situation à Kiev les inquiète beaucoup. Contrairement à l’Ukraine, la Géorgie entend bien signer cette année un Accord d’association avec l’Union européenne. Mais elle s’attend à de fortes pressions de la part de la Russie, qui semble déterminée à recréer une sphère d’influence sur les ruines de ce que fut l’URSS.

 

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