Certains n'avaient pas l'âge de voter lors du référendum du Brexit en 2016. Plus europhiles et plus favorables aux travaillistes que leurs aînés, les jeunes électeurs britanniques pourraient peser sur les législatives de ce jeudi 12 décembre. Les conservateurs du Premier ministre Boris Johnson sont certes en tête des sondages, mais la participation des jeunes, croissante ces dernières années, constitue l'une des inconnues susceptibles de bouleverser l'équation.
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Pour qui votent les jeunes ?
Lors des législatives de 2017, 66 % des jeunes de 18 ou 19 ans avaient voté pour l'opposition travailliste, et 19 % seulement pour les conservateurs, selon une étude de l'institut YouGov. Plus l'âge des électeurs avançait, plus le vote Labour baissait et le vote conservateur se renforçait, les courbes se croisant à 47 ans. Lors des élections européennes de mai, les jeunes avaient plébiscité les libéraux-démocrates et les Verts, opposés au Brexit.
Car la majorité des jeunes Britanniques veulent rester dans l’Union européenne, souligne notre envoyée spéciale à Bristol, Béatrice Leveillé. Elle s’est retrouvée au White Hart, un pub animé du centre-ville où s’étaient réunis tous les membres des organisations politiques de l’université de Bristol.
« Comme chaque année à Noël, nous organisons un quizz politique pour financer des organisations de charité, lui explique Fergus Yousti Nousti, président de l’Association des étudiants libéraux-démocrates. Ce qui est bien cette année, c’est que ça tombe pendant les élections. On peut faire une pause dans la campagne et aller au pub tous ensemble, pour faire un agréable questions-réponses politique ! »
« Crainte de l'anti-sémitisme »
Tous ensemble ou presque, puisque les jeunes conservateurs, à fond dans la campagne électorale, ont boudé le quizz cette année. Béatrice Leveillé a retrouvé Robert Porter, le président de l’Association des étudiants conservateurs, pour lui demander pourquoi les jeunes sont si peu enclins à voter conservateurs.
« Les étudiants ne sont pas représentatifs. Ils ont tendance à voter à gauche. Ils aiment Jeremy Corbyn ! Nous avons beaucoup de supporters qui n’aiment pas Jeremy Corbyn. Il y en a qui craignent l’antisémitisme au Royaume-Uni [Jeremy Corbyn est régulièrement attaqué sur ce sujet, NDLR] et qui veulent quitter l’Union Européenne. Et seuls les conservateurs peuvent le faire. »
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Quelle mobilisation ?
Les jeunes n'avaient pas été très nombreux à voter au référendum sur la sortie de l’Union Européenne il y a trois ans. Mais ils se sont inscrits en masse pour participer à ces élections, dont l'enjeu est à nouveau le Brexit. Selon le mouvement étudiant For our Future's Sake (FFS), cité par l’AFP, 1,4 million d'électeurs de moins de 25 ans se sont enregistrés sur les listes électorales avant la date butoir du 26 novembre, soit une augmentation de 55 % par rapport à 2017.
Cet « incroyable afflux » rend les résultats de l'élection « d'autant plus imprévisibles », estime Amanda Chetwynd-Cowieson, co-fondatrice de l'organisation visant à mobiliser autour du vote, citée par l’AFP. Cela semble annoncer une forte mobilisation des jeunes, dont la participation « ne cesse d'augmenter depuis 2010 », explique à l'AFP la politologue Rosalind Shorrocks, de l'Université de Manchester.
L'âge, le plus grand clivage électoral
En 2017, presque 54 % des 18-24 ans avaient voté lors du scrutin, contre à peine 38 % en 2015, selon une étude Ipsos Mori. Jusqu'ici, la mobilisation bien plus forte des seniors (71 % des plus de 65 ans en 2017) avait donné le ton des résultats.
Autre facteur en jeu : les étudiants peuvent voter dans leur circonscription d'origine ou celle de leur université, leur permettant de choisir de manière stratégique celle où ils jugent leur voix la plus utile.
« Depuis le référendum de 2016 [sur le Brexit], c'est l'âge qui est devenu le plus grand clivage électoral au Royaume-Uni », explique Rosalind Shorrocks. « Le milieu social est devenu bien moins déterminant », ajoute-t-elle, notant tout de même que les jeunes femmes sont « plus pro-Labour que les hommes ».
(avec AFP)
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