Envoyée spéciale à San Sebastián,
Lorsqu'il y a de grands incendies dans les forêts canadiennes, il pleut des oiseaux, étouffés par les fumées et la chaleur. Une vieille femme, interrogée par une journaliste qui enquête sur le Grand incendie qui a marqué et endeuillé sa génération, raconte comment un oiseau lui est tombé sur la tête quand elle était jeune fille.
Mais il n'y a pas que le feu qui étouffe. Il y a aussi les conventions, la morale bourgeoise, la religion. Gertrude en fera les frais. Lorsque nous faisons sa connaissance dans le film, elle a près de 80 ans. Sa famille lui a volé sa vie en la faisant interner à l'âge de 16 ans parce qu'adolescente, elle n'en faisait qu'à sa tête et jouait au devin extra-lucide.
La vieille femme, interprétée de façon lumineuse par la comédienne Andrée Lachapelle -figure du théâtre québécois-, est le personnage central du film. Autour d'elle gravitent tous les autres personnages, jeunes et vieux. La vie de la petite communauté dans laquelle elle fait irruption, fuyant l'asile dans lequel elle a été enfermée de force, va être bouleversée.
Devenue Marie des Neiges, un prénom de conte de fées, elle rejoint un groupe d'ermites dans leur cachette de la forêt profonde. A l'origine, ils étaient trois, Charlie, Tom et Boychuck. Trois hommes, qui avaient choisi de vivre hors du monde, au mi-temps de leur vie, chacun pour une raison qui lui est propre : deuil, maladie, alcoolisme...
Boychuck, le plus âgé, est un peintre mystérieux, dont toute la famille est morte dans le Grand incendie. Il peint des toiles douloureuses, des brasiers et des troncs calcinés. Parfois une touche de jaune, la couleur de l'amour selon Marie des Neiges, qui est toujours un peu voyante. Tom, lui, boit plus que de raison, brise tout ce qu'il touche et chante du blues en s'accompagnant de sa guitare. Charlie, le troisième homme des bois, piège des lapins et prendra Marie des Neiges sous son aile.
Il n'y a pas d'âge pour apprendre à vivre
Au contact de ses nouveaux compagnons, Marie des Neiges, va apprendre à vivre, à aimer, à nager même. Le lac où ils se baignent est le centre de leur univers et leur bain de jouvence. Elle découvrira aussi le désir et le plaisir aux côtés de Charlie dans une nature magnifiée par les lumières de l'été et la photographie de Mathieu Laverdière, « mon poète de l'image » comme dit joliment la réalisatrice. La forêt est amicale, bruisse des chants des oiseaux et des insectes.
Mais le passé va de nouveau s'inviter dans le présent et menacer la sérénité du trio. L'incendie au loin gronde. On naît, on vit et on meurt, et au final c'est quoi la vie, interroge Louise Archambault. « Chaque être humain attend en somme de la vie trois choses, explique la réalisatrice, aimer, être aimé et trouver sa dignité ». La dignité, on peut la trouver dans le choix assumé de sa vie, de ses amours, dans le choix de sa mort aussi. Ce sont les choix de Gabrielle, le personnage du précédent long-métrage de Louise Archambault, qui voulait vivre son histoire d'amour avec Martin malgré son handicap. Ce sont les choix de Tom, de Marie des Neiges et de Charlie. Et au final une belle leçon de vie filmée avec beaucoup de tendresse et de pudeur.
►À lire aussi : Le Festival de San Sebastian rend hommage à Costa-Gavras