Elections générales en Bosnie: un scrutin sous le signe du nationalisme

Ce dimanche 7 octobre, ont lieu des élections générales en Bosnie-Herzégovine. Les électeurs doivent choisir les représentants du pays au niveau national et les représentants des entités qui composent la Bosnie, à savoir la Republika Srpska (République serbe) et la Fédération croato-musulmane.

Les Bosniens se rendent aux urnes, souvent sans illusion, usés par la pauvreté et la corruption et lassés de politiques qui ont encore joué sur les réflexes communautaires avant les élections générales de ce dimanche 7 octobre.

Dans un scrutin aussi complexe que des institutions dessinées selon des lignes identitaires après la guerre intercommunautaire de 1992-1995, ils désignent notamment les trois membres de la présidence collégiale : un Bosniaque (musulman), un Serbe (orthodoxe) et un Croate (catholique).

Vingt-cinq ans après ce conflit qui a fait 100 000 morts, les principaux candidats ont joué sur la corde nationaliste, notamment le Serbe Milorad Dodik et le Croate Dragan Covic, mais aussi les principaux candidats bosniaques.

« Sur les listes électorales il n’y a pas beaucoup de renouvellement, analyse Sébastien Gricourt, directeur de l'Observatoire Balkans à la Fondation Jean Jaurès. Ceux qui vont être au pouvoir ensuite qui vont être là pour les 25 ans des accords de Dayton [qui ont mis un terme au conflit en 1995]. Il est peut-être temps, au bout d’un quart de siècle, d’arriver à venir avec une nouvelle vision. Le système de Dayton a contribué à geler les conquêtes de guerre des uns et des autres. Les trois grandes communautés du pays continuent à gouverner pour leurs propres intérêts. On a pensé, peut-être à un moment donné, naïvement, que tout cela créerait une entité bosnienne commune. Ce n’est pas le cas, même si cela existe chez une partie de la jeunesse et un certain nombre de citoyens, mais tout cela ne perce pas ».

Nationalisme et négationnisme

Milorad Dodik a par le passé évoqué un référendum d'indépendance de la Republika Srpska, l'entité des Serbes de Bosnie qu'il dirige depuis 2006. Soutenu par le cinéaste Emir Kusturica, proche des nationalistes serbes, il est allé en Russie rencontrer Vladimir Poutine une semaine avant le scrutin.

Pour Sébastien Gricourt, Milorad Dodik reste extrêmement autoritaire. « C’est un personnage qui vient quand même du passé de la guerre, qui entretient également la négation des crimes qui ont pu être commis, rappelle-t-il. Le rapport sur le massacre de Srebrenica [de 8000 Bosniaques par l'Armée serbe de Bosnie], qui avait été pourtant adopté à l’époque par l’entité serbe, a été annulé sur ses ordres au cours de l’été. Il mise sur une carte extrêmement nationaliste et aussi négationniste par rapport à ce qui s’est passé à Srebrenica ».

Pour le chercheur, Milorad Dodik a quand même des chances d'être élu président de la Bosnie. Cependant, il reste à savoir ce qui va se passer au niveau de la gouvernance même de la République Srpska, où il existe une mobilisation massive suite à la mort mystérieuse d’un jeune étudiant au mois de mars et « où on réclame tout simplement la fin de l’impunité, la justice. Peut-être que le vote va faire basculer la République Srpska vers un autre gouvernement qui ne sera pas celui de Dodik, mais on demande encore à voir ».

Dragan Covic souhaite, lui, que les Croates (15%) aient leur propre entité. Ils sont aujourd'hui associés dans une fédération avec les Bosniaques, qui représentent la moitié de la population. Les Serbes, eux, représentent un tiers des 3,5 millions d'habitants du pays. La Republika Srpska et la Fédération croato-musulmane sont dotées d'une forte autonomie et sont reliées par un Etat central faible, incarné notamment par la présidence tripartite.

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