Sanctions contre l’Iran: Téhéran doute de la capacité de l’UE à riposter

L'Union européenne veut sauver l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Le commissaire européen à l'Energie rencontre le chef de la diplomatie iranienne ce dimanche 20 mai 2018. Il doit présenter les mesures décidées par l'UE, notamment la « loi de blocage ». Pour l'heure, la République islamique se montre sceptique.

Objectif de la « loi de blocage » : limiter l'impact des sanctions américaines décidées à l'encontre de Téhéran, après que Washington a annoncé sa sortie de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien. Mais la République islamique ne s'est pas montrée enthousiaste pour l'instant, relate notre correspondante à Bruxelles, Laxmi Lotta. « La balle est dans le camp de l'Union européenne », résume le vice-président iranien Ali Akbar Salehi, également à la tête de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA).

Lourde tâche pour le commissaire européen à l'Energie, premier responsable occidental à être reçu à Téhéran depuis la décision de l'administration américaine, annoncée par Donald Trump le 8 mai dernier. L'Espagnol Miguel Arias Cañeta vient présenter des solutions pratiques pour permettre à l'Iran de continuer ses ventes de pétrole et de gaz, ou encore de poursuivre ses transactions bancaires. Mais la République islamique dit « vouloir attendre quelques semaines », pour voir si ces propositions européennes auront des résultats concrets.

Certains grands groupes français partent déjà

La France propose aussi que le coût des sanctions américaines sur les entreprises européennes soit pris en charge par l'UE : « Est-ce que nous acceptons que les Etats-Unis soient le gendarme économique de la planète ? La réponse européenne doit être clairement non », affirme Bruno Le Maire, ministre français de l'Economie. Mais, problème : nombre d'entreprises européennes engagées en Iran ont déjà annoncé qu'elles quittaient le pays ou renonçaient à des projets pour éviter de devoir subir des conséquences en raison des sanctions américaines.

C'est le cas du géant français de l'énergie Engie, qui vient d'annoncer qu'il se désengageait de toute activité en Iran pour échapper aux rétorsions prévues par les Etats-Unis contre les entreprises, y compris étrangères, travaillant avec Téhéran. D'ici novembre, le groupe - ex-GDF-Suez - aura mis un terme à tous ses contrats avec Téhéran. Précisons quand même que pour Engie, ce n'est pas une opération lourde, puisque le géant français n'a ni infrastructures en Iran, ni investissements sur place. Il fournit seulement des équipes d'ingénierie à des clients iraniens.

Un dispositif susceptible de favoriser les PME ?

C'est néanmoins la 2e multinationale française à céder aux pressions américaines. Déjà, mercredi dernier, le groupe pétrolier Total annonçait qu'il ne poursuivrait pas le grand projet gazier en cours en Iran s'il n'obtenait pas une dérogation de la part des Etats-Unis pour le faire. Force est donc de constater que les lois extraterritoriales américaines sont extrêmement dissuasives pour les grands groupes et les multinationales. Car ces derniers sont généralement en relation d'affaires avec les Etats-Unis et souhaitent que cela continue.

Les procédures auxquelles l'UE est en train de réfléchir, après avoir activé la semaine dernière un règlement européen de novembre 1996, adopté à l'époque pour contourner l'embargo américain à Cuba et censé protéger les entreprises européennes contre « l'application extraterritoriale d'une législation adoptée par un pays tiers », pourraient donc surtout protéger les petites et moyennes entreprises, beaucoup moins souvent présentes aux Etats-Unis, engagées avec des intérêts américains ou dépendantes de banques américaines.

Doutes sur l'efficacité du mécanisme européen

Le mécanisme de 1996 permet théoriquement aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à ce type de législations américaines et autres sanctions. Mais il n'a jamais été utilisé jusqu'à présent. Les gouvernements européens semblent considérer qu'il s'agit plus d'une arme politique que d'un instrument juridique pratique. En effet, cette loi dite « de blocage » demeure assez vague et difficile à mettre en œuvre. D'où le scepticisme iranien.

Mais la France y voit un levier sur lequel s'appuyer pour renforcer la souveraineté économique de l'Union et protéger les entreprises européennes. Renforcer le règlement de 1996 « nous permettrait de prendre à notre charge l'éventuel prix des sanctions payées par les entreprises et qui pourrait être payées par l'Union européenne », explique Bruno Le Maire. Et Paris souhaite également voir l'UE se doter de « systèmes de financement autonomes » pour que les entreprises européennes ne dépendent plus du système financier et bancaire américain.

→ Écouter sur RFI : L'Europe a-t-elle les moyens de préserver ses intérêts en Iran ?

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