Les négociations chaotiques MS5/Ligue pour un contrat de gouvernement

En Italie, plus de deux mois après les élections, le prochain gouvernement n'est toujours pas formé. Le Mouvement 5 Etoiles (MS5)  et la Ligue ont accouché dans la douleur d'un contrat de gouvernement publié plusieurs fois cette semaine et plusieurs fois remanié. Mais c'est peut-être la dernière ligne droite avant l'installation d'une coalition sans précédent à Rome.

De notre correspondante à Rome, Anne Tréca

Les Italiens se méfient. Depuis lundi 14 mai, trois versions de contrats de gouvernement du changement leur ont été présentées. Di Maio et Salvini n'ont jamais dit les mêmes choses au même moment. Entre temps, la bourse de Milan est partie dans le rouge. Le spread, indicateur du coût de la dette italienne, est monté en flèche. Sous la pression des marchés, les leaders des deux partis ont arrondi les angles sur la dette, l'Union européenne et l'euro.  

Leur projet, chiffré par l'ancien directeur italien du FMI, annonce toujours 125 milliards d'euros de nouvelles dépenses sans couverture. Les mesures phares des 40 pages de ce document sont la création d'un revenu universel - 780 € par mois, l'abaissement du taux d'imposition à 20% maximum et une réforme généreuse du régime des retraites. Des promesses de campagne évaluées à plus de 100 milliards d'euros au total. c’est le portrait d’une 3ème économie de la zone euro désormais réfractaire aux règles budgétaires. Résumé au vitriol du Financial Times il y a quelques jours : « C’est l'arrivée au pouvoir des nouveaux barbares ». Réplique sur le même ton du chef de la Ligue du Nord Matteo Salvini : « Mieux vaut être des barbares que des larbins. »

La coalition annonce aussi la moralisation de la vie publique, une exigence des 5 Etoiles, un tour de vis sur l'immigration (réforme du traité de Dublin et une répartition « obligatoire et immédiate » des demandeurs d'asile dans l'Union) et le renforcement du droit à la légitime défense, les priorités de la Ligue. 

« Ce n'est pas une alliance naturelle »

Mais les leaders sont toujours en désaccord sur une question cruciale : la nomination du Premier ministre. Sans lui il n'y aura pas de coalition jaune-verte (couleur jaune symbole du M5S et couleur verte de la Ligue)  –et le contrat du changement sera bon pour la poubelle.

Pour Giuseppe Bettoni, professeur à l'université de Rome, cet attelage Ligue/M5S risque d'avoir bien du mal à résister longtemps et ça se voit jusque dans la manière d'organiser le gouvernement. « Le fait d'avoir conçu un comité dit de conciliation où pratiquement le président du conseil des ministres siège avec les chefs des groupes parlementaires, le ministre compétent pour chaque question et les chefs des deux partis principaux pour pouvoir raisonner sur les points les plus compliqués, cela veut dire que vous vous préparez à un conflit interne assez régulier. Ils se sont lancés dans cette expérience pour pouvoir dire "on l'a fait et on a changé deux trois éléments essentiels qu'on avat promis". Mais ils savent pertinemment que cela ne va pas durer longtemps, ce n'est pas une alliance naturelle, cela va être très conflictuel. Le premier obstacle va être la prochaine loi budgétaire » pressent le spécialiste.

Les militants des deux partis devraient entériner le texte ce week-end.

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