Les terroristes d'ETA quittent la scène et ils veulent le faire savoir

C’était le point final à la dernière insurrection armée d'Europe occidentale. Près de 60 ans après sa création et 50 ans d'une lutte armée qui a fait plus de 800 victimes, l'organisation terroriste séparatiste basque ETA a achevé ce vendredi son processus historique de dissolution lors d'une « conférence » dans le sud-ouest de la France, à Cambo-les-Bains.

L’acte final se voulait spectaculaire. Le décor, symbolique : un bâtiment de deux étages rouge et blanc, les couleurs basques. Quelque 300 médias et une centaine de participants, parmi eux Gerry Adams, l’ex-chef du Sinn Fein, le bras politique de l'IRA nord-irlandaise, et l'avocat sud-africain Brian Currin pour un appel à aller plus loin, de la dissolution de l'ETA à la réconciliation : « Ce qui se passe maintenant, la dissolution de l ETA, c'est une opportunité pour les gouvernements, la société civile, les partis politiques, de travailler ensemble. Aussi longtemps qu’il y aura des prisonniers, le processus de paix ne sera pas achevé. »

Pas de représentants des gouvernements français et espagnol pour l’entendre et une fin de non-recevoir sèche venue de Madrid, par la voix du Premier ministre Mariano Rajoy : « Les enquêtes sur les crimes de l'ETA continueront, ils seront jugés et les condamnations continueront à être exécutées. Il n y a jamais eu et il n’y aura jamais d’impunité. »

On en est loin, l’organisation il y a 10 jours a bien demandé pardon aux victimes. Mais seulement à celles qui ne faisaient pas partie du conflit. Sous-entendu limpide, les autres étaient des cibles légitimes. Des propos et un départ sous les projecteurs qui ont rouvert les blessures.

ANALYSE

Avec notre correspondant à Madrid, François Musseau

Les terroristes basques d'ETA quittent donc la scène, mais ils veulent le faire savoir. Ce qu'ils cherchent, c'est la caisse de résonance maximale, avec des journalistes, des dirigeants politiques comme ceux de Podemos, les nationalistes basques modérés du PNV ou encore des figures irlandaises comme l'ancien chef du Sinn Féin Gerry Adams.

Pour la dernière organisation terroriste d'Europe, il est important de souligner son existence, afin que sa dissolution soit remarquée, appréciée, perçue comme un acte de générosité. Et, si ce souhait des séparatistes basques est là, c'est bien parce que ces dernières années ils ont sombré dans un quasi anonymat.

Depuis leur annonce de cesser définitivement les attentats en 2011, Espagnols et Basques ont tourné la page, ils ne veulent plus rien savoir de ceux qui furent si longtemps leur cauchemar. Agonisante et moribonde, ETA a tout fait pour défrayer la chronique : désarmement en avril 2017, demande de pardon aux victimes le mois dernier, et donc, aujourd'hui hui, la mise en scène de leur dissolution dans la commune française de Cambo-les-Bains.

Malgré tout cela, il y a cette question que beaucoup se posent : après 60 ans d'existence, 829 assassinats qui n'ont servi à rien, ETA acceptera-t-elle réellement de tomber dans l'oubli le plus profond ?

Partager :