Avec notre envoyée spéciale à Budapest, Anissa el Jabri
Viktor Orban, un dirigeant parmi les plus controversés d’Europe, va-t-il l’emporter aussi aisément que le disent les sondages ? Difficile à dire dans un pays où les électeurs taisent souvent leurs préférences politiques. Il flotte d'ailleurs comme une incertitude dans cette dernière ligne droite : un tiers des électeurs déclaraient cette semaine ne pas avoir pris de décision.
Corruption, état déplorable des hôpitaux, difficultés dans l’éducation, la moitié des Hongrois, disent les enquêtes, veut du changement. On sent aussi une forme de fébrilité du côté du pouvoir : jamais Viktor Orban n’a autant agité la menace d’un ennemi extérieur. « Moi ou le chaos migratoire », affirme-t-il.
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« L’impression qu’il donne, y compris à ses partisans, c’est d’être singulièrement irritable, voire irrité, confirme Paul Gradvohl, maître de conférences à l’Université de Lorraine et spécialiste de la Hongrie. Il a récemment menacé l’électorat et les gens qui s’opposaient à lui, de rétorsion après, si ce n’est un échec électoral, du moins une déconvenue à une municipale partielle qui se tenait dans une ville qui relève d’habitude d’un de ses plus fidèles lieutenants et qui devait retomber dans l’escarcelle de celui qui l’a remplacé automatiquement. Surprise incroyable et non prévue par les sondages : le maire d’opposition qui avait regroupé tous les opposants l’a emporté haut la main avec une participation très élevée. Ce scrutin lui a donné de nouvelles raisons d’être fébrile. »
Il y a néanmoins cette réalité, un redécoupage électoral et un nouveau système de vote taillé sur mesure pour le parti au pouvoir. La question est donc plutôt de savoir si le Fidesz bénéficiera d'une courte ou d'une ample majorité.
Des changements « irréversibles »
En tout cas, s’il ressort renforcé de ce scrutin, Viktor Orban a annoncé la couleur : il veut rendre « irréversibles » les changements entrepris depuis qu’il est au pouvoir, comme le contrôle des ONG, la reprise en main des fonctionnaires ou encore le verrouillage des médias.
Il en va de même dans l'Education. « Nous étudions et analysons tous les manuels scolaires. Et dans le nouveau livre d'histoire écrit par l'Etat pour les lycéens, on a constaté de très nombreuses fautes. Des erreurs factuelles comme sur l'emplacement d'une ville pourtant importante comme Visegrad, mais aussi des passages ambigus qui permettaient des doubles lectures, affirme Laszlo Miklosi, président de l’Association des professeurs d’histoire. Des allusions antisémites, créationnistes... Ces fautes ont finalement été corrigées sous notre pression, mais le manuel reste de mauvaise qualité. Et dans un an, il sera interdit d'en utiliser un autre. »
Comme une guerre d’usure contre les enseignants et déjà chez certains, une autocensure qui s'installe.