Avec notre envoyée spéciale à Strasbourg, Anastasia Becchio
José Bové sort de l'hémicycle en fulminant. L'élu vert compte parmi les eurodéputés minoritaires qui ont voté contre le texte limitant dans la durée le renouvellement de la licence de l'herbicide. Pour lui, il est indécent d'accepter que le glyphosate soit vendu cinq ans de plus. « Une fois de plus, le Parlement n'a pas voulu assumer sa responsabilité », grince-t-il.
Michèle Rivasi, elle, a voté pour. L'eurodéputée du groupe des Verts aurait préféré un délai plus court, trois ans, pour l'élimination du glyphosate, mais ce qui compte c'est le signal envoyé aux gouvernements, estime-t-elle : « C'est un message pour dire aux Etats : ne votez pas un renouvellement, votez une interdiction. S'il faut prendre trois ou cinq ans pour arrêter l'utilisation du glyphosate, c'est déjà une victoire par rapport à ce qui se faisait avant. »
La Commission européenne voulait proposer aux Etats de se prononcer sur une extension de l'autorisation du glyphosate pendant dix ans. Après le vote à Strasbourg, elle réduit ce délai de trois à cinq ans. Pas question toutefois de parler d'interdiction. La Commission européenne essaye de sauver sa peau, juge l'eurodéputé vert Yannick Jadot. « Quand on est face à une molécule cancérogène, on ne rajoute pas cinq ou sept ans pour, à ce moment-là, repenser un processus de renouvellement ; on interdit cette molécule. On sait que le gouvernement allemand veut d'abord défendre Bayer et Monsanto, mais ce n'est pas la santé de nos concitoyens », dénonce-t-il.
Pour rejeter ou accepter la proposition de la Commission, il faut une majorité qualifiée, 55 % des Etats membres représentant 65 % de la population.
■ Le glyphosate, c'est quoi ?
Pas de mauvaises herbes, moins de pertes au moment des récoltes. Pour les agriculteurs, l'utilisation du glyphosate est la promesse d'accroître la productivité de leur exploitation. Mais selon plusieurs chercheurs, les effets de l'herbicide sur l'homme sont nombreux. Dès 2015, leglyphosate a été classé « cancérogène probable » par des chercheurs de l'Organisation mondiale de la santé. En laboratoire, il s'attaque directement à l'ADN.
La molécule a été synthétisée pour la première fois par Monsanto il y a 40 ans. Elle commercialise le produit sous la marque Roundup. Aujourd'hui, tous les industriels peuvent utiliser librement le brevet de la firme américaine. Une centaine de fabricants se partage le marché. Un tiers des pesticides vendus en France contiennent du glyphosate.
Concrètement, la molécule s'attaque à toutes les plantes sans distinction. Elle est mêlée a des solvants potentiellement toxiques. Le glyphosate se dégrade ensuite dans les nappes phréatiques, et reste partout. Même au sein des légumes ou des céréales récoltés. En France, l'association Générations futures a fait analyser une trentaine d'aliments du quotidien. Résultat : plus de la moitié contiennent du glyphosate.