Espagne: entre perquisitions et arrestations, la tension monte en Catalogne

Le ton monte à Barcelone. Les forces de l’ordre espagnoles ont interpellé 14 hauts dirigeants de l’exécutif de Catalogne, soupçonnés d’œuvrer pour le référendum illégal du 1er octobre. Ce mercredi 20 septembre, neuf perquisitions ont eu lieu dans divers ministères régionaux, notamment celui de l’Economie. Des manifestations se séparatistes ont été organisées devant cet édifice.

Une escalade dangereuse est à l’œuvre. Perquisitions menées par la garde civiledans plusieurs ministères régionaux à Barcelone, arrestation de hauts fonctionnaires du gouvernement de Catalogne, personne n’imaginait un scénario aussi brusque une dizaine de jours avant ce référendum de la discorde qui provoque la colère du pouvoir central à Madrid.

A Madrid, justement, le chef du gouvernement Mariano Rajoy a justifié ces interpellations et ces perquisitions en disant que « la loi est en train de s’appliquer », rapporte notre correspondant à Madrid, François Musseau. Il a solennellement appelé les séparatistes catalans à faire marche arrière, et « à renoncer à leur consultation illégale ». Mais les intéressés n’entendent pas obéir.

Des milliers de Catalans dans les rues

Au contraire, les Catalans n'ont pas tardé à réagir. Jordi Sanchez, le président d'un des principaux mouvements indépendantistes, a appelé sur Twitter ses partisans à « résister pacifiquement, en sortant dans la rue, pour défendre les institutions catalanes ».

Des milliers de personnes se sont ainsi rassemblées dans le centre de Barcelone ce mercredi aux cris de « les forces d'occupation dehors ! » et portant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Nous voterons pour être libres ». Des heurts ont eu lieu entre policiers et manifestants dont certains ont encerclé un véhicule de la garde civile sur lequel ils ont tapé.

Le gouvernement de Madrid « a suspendu de facto l'autonomie de la Catalogne et applique, de facto, un état d'urgence », a déclaré le président catalan Carles Puigdemont, accusant les autorités espagnoles d'être « totalitaires » et de violer « les droits fondamentaux ». Le gouvernement catalan a confirmé l'arrestation de treize de ses membres, dont le secrétaire général de la vice-présidence, Josep Maria Jove.

Même le FC Barcelone est intervenu dans le débat, condamnant toute action susceptible d'empêcher le plein exercice de la démocratie, de la liberté d'expression et du droit à décider. Plus de 70 % des Catalans souhaitent s'exprimer à travers un référendum, même si les indépendantistes ne sont pas assurés d'obtenir la majorité lors d'une consultation.

Le risque de l'escalade

Car nombreux sont ceux qui, y compris en Catalogne, appellent le gouvernement de Madrid à agir, remarque Barbara Loyer, enseignante-chercheuse à l'Institut français de géopolitique à l'université Paris 8 et spécialiste de la géopolitique de l'Espagne. « Un bon nombre aussi d'intellectuels, de journalistes font des éditoriaux sur la nécessité d'agir et disent même que le gouvernement aurait dû agir dès 2014 lorsqu'a été menée une consultation à ce sujet », indique-t-elle.

Surtout, analyse la chercheuse, Madrid est obligé d'agir. Dans le cas contraire, il risquerait d'être confronté à une escalade qu'il pourrait bien avoir du mal à contrôler. « Il y a un mouvement de masse en Catalogne qui représente sans doute la moitié de la population et qui est déjà extrêmement organisée pour tenir la rue », note-t-elle.

Or à dix jours du référendum, la tension monte. Pour l'historien spécialiste de l'Espagne, Benoît Pellistrandi, la radicalisation est même déjà là. Du côté des indépendantistes, comme de leurs opposants. « El Pais, qui est un journal libéral de centre gauche, estime que la posture des indépendantistes constitue un véritable coup d'Etat contre la Constitution démocratique de 1978. On est donc dans l'utilisation d'un vocabulaire extrêmement lourd de signification », estime-t-il. Pour lui, l'Espagne se trouve peut-être aujourd'hui à un tournant de son histoire et sans doute dans « la plus grave crise que la démocratie espagnole n'ait jamais traversée ».

Au risque que la société espagnole en ressorte davantage fracturée. « Il n'y a plus d'entente possible entre les uns et les autres puisque la logique démocratique de la Constitution espagnole est rejetée par une partie du spectre politique catalan au nom d'une autre légitimité démocratique qui serait celle du peuple catalan à s'exprimer et à décider de son indépendance », remarque Benoît Pellistrandi.

Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a appelé ce mercredi les dirigeants indépendantistes à « renoncer à l'escalade ». « Il est encore temps d'éviter de plus grands maux », a-t-il déclaré lors d'une allocution télévisée.

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