Procès du réseau Gürtel: le jour J pour Rajoy, auditionné comme témoin

Pour la première fois depuis le retour de la démocratie en Espagne, en 1975, un chef de gouvernement en exercice est appelé à témoigner dans un procès. Ce procès, c'est celui dit du «réseau Gürtel», entache le Parti populaire de Mariano Rajoy. Depuis 2009, la justice démantèle un système de corruption impliquant plusieurs entrepreneurs et des membres du mouvement.

Il a été très difficile d’obtenir que Mariano Rajoy se déplace personnellement et accepte d'être auditionné en tant que témoin dans le cadre de ce procès, l’un des plus grands procès de corruption de ces dernières années. Il aura fallu quatre demandes, rappelle notre correspondant à Madrid, François Musseau.

Pour cette audition, qui se déroule dans des dépendances de l'Audience nationale, juridiction spécialisée dans les affaires politico-financières à San Fernando de Henares, près de Madrid, un gros cordon sécuritaire a été mis en place. Des manifestations sont prévues et 62 médias seront là, dont 21 médias étrangers.

Avant de témoigner, le Premier ministre espagnol fera sans doute face aux cris de manifestants en colère massés systématiquement aux abords des tribunaux pour crier « voleur ! » quand des personnalités politiques sont convoquées pour des affaires de présumées malversations comme celle-ci.

Les magistrats étaient divisés sur la comparution de M. Rajoy, et l'un d'eux s'est prononcé contre. Pour ne pas porter atteinte à la fonction, il a été décidé de laisser le chef du gouvernement témoigner sur une estrade, de sorte qu'il n'aura pas à lever le regard vers les magistrats comme les autres témoins et prévenus.

Mariano Rajoy peut-il sortir fragilisé de l'audience ?

M. Rajoy ne vient pas témoigner en tant que Premier ministre, mais en tant que secrétaire général du Parti populaire, la fonction qu'il occupait lorsque les faits présumés ont eu lieu, à savoir des pots-de-vin payés par des entrepreneurs à des dirigeants du parti dans les années 2000, contre de juteux contrats publics.

L’enjeu est de savoir si Mariano Rajoy sera interrogé sur des questions sensibles auxquelles il n’a encore jamais répondu : ses liens réels avec Luis Barcenas, ancien intendant et trésorier du parti aujourd’hui en prison et dont on a découvert des comptes importants en Suisse. L’a-t-il soutenu ? L’a-t-il couvert ?

Bien entendu, le Premier ministre, qui n'est pas personnellement mis en cause, défendra sa bonne foi. Mais si les magistrats savent le mettre en difficulté, alors sa position au gouvernement pourrait devenir plus fragile et ses rivaux politiques pourraient avoir de bons arguments pour le mettre en difficulté.

Procès du réseau Gürtel, l'arbre qui cache la forêt ?

Certaines enquêtes sont encore ouvertes et le terrain est glissant pour le chef du gouvernement, aux commandes du PP depuis 13 ans. Ces affaires ont fini par lui faire perdre sa majorité absolue à la fin de l'année 2015. Selon le quotidien El Pais, M. Rajoy se prépare depuis plusieurs jours avec ses avocats.

Ce procès rassemble 37 personnes, jugées depuis octobre 2016. Outre M. Barcenas, l'autre principal protagoniste est Francisco Correa, un entrepreneur. Ce procès, c'est l'arbre qui cache la forêt ; il y a aussi l'affaire de la « comptabilité occulte » du PP, le volet Valence du dossier Gürtel, l'affaire « Punica », etc.

Des entrepreneurs, notamment du BTP, décrochaient des contrats contre des commissions qui enrichissaient les élus, allant jusqu'à financer fêtes et voitures, sans parler des campagnes. La corruption touche d'autres formations, des syndicats, le monde du sport, mais surtout le PP, bien implanté territorialement.

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