Pologne: malgré le veto présidentiel, le gouvernement maintient sa réforme

En Pologne, le conflit au sujet des réformes controversées de la justice voulues par le pouvoir conservateur a pris une nouvelle tournure avec les vétos opposés par le président Andrzej Duda. Une grande surprise puisque ce dernier est issu du même parti que les députés au pouvoir. Mais la Première ministre polonaise Beata Szydlo a annoncé lundi soir à la télévision que son gouvernement comptait maintenir sa réforme de la justice.

Lundi soir après 20h, s'est jouée à la télévision une scène assez incroyable, à savoir deux allocutions sur deux chaînes différentes au même moment, rapporte notre correspondant à Varsovie, Damien Simonart. D’un côté, le président Andrzej Duda qui réaffirme qu’il met son veto à deux des trois réformes votées par le PiS. De l’autre, la Première ministre Beata Szydlo qui martèle que le gouvernement ne cédera pas aux pressions de la rue et de l’étranger !

« Nous ne céderons pas aux pressions de la rue et de l'étranger », a lancé à télévision Beata Szydlo, qui, rappelons-le, a été la cheffe de campagne d'Andrzej Duda lors de la dernière élection présidentielle. La Première ministre polonaise a également dit regretter que le veto présidentiel ait « ralenti » la réforme de la justice et soit « peut-être incompréhensible pour ceux qui attendent le ‘bon changement’ ». Le veto « a été perçu comme un encouragement par ceux qui se battent pour maintenir un système injuste, le système des grands et petits abus et de l'oppression pour nombre de citoyens honnêtes », estime-t-elle.

Aussitôt après le discours de la chef du gouvernement, la télévision publique a diffusé une adresse solennelle du président dans laquelle il a expliqué les raisons de sa décision. « J’oppose mon veto aux deux lois, car elles nécessitent des changements garantissant leur conformité à la Constitution et l’indépendance du pouvoir judiciaire, sans toutefois un sentiment de supériorité et d’impunité. Il faut que les lois créent des conditions permettant aux juges de se sentir indépendants de toute pression », a déclaré Andrzej Duda.

Réunion de crise du PiS

Pour le parti conservateur Droit et Justice au pouvoir en Pologne, pas question donc d’abandonner sa réforme. Après une réunion de crise qui a duré toute la journée lundi, le PiS affirme qu’il va continuer à réaliser son programme électoral. Un temps, la presse spéculait sur une éventuelle session extraordinaire du Parlement dès la semaine prochaine mais les présidents des deux chambres ont démenti l’information. Désormais, la balle est dans le camp d’Andrzej Duda. Ce dernier qui est juriste de formation a annoncé qu’il allait lui-même rédiger la réforme de la justice, après consultation avec le milieu judiciaire, et la soumettre au Parlement. Mais ça ne sera pas avant l’automne.

Renvoyées devant le Parlement, les deux lois requièrent une majorité de trois cinquièmes pour être adoptées sous leur forme actuelle. Une majorité dont le parti Droit et Justice ne dispose pas. L’opposition polonaise n’entend pas pour autant abandonner son combat pour la démocratie, y compris dans la rue. « Il faut montrer notre puissance. Nous sommes unis pour vaincre ce gouvernement qui est en train de démolir la démocratie en Pologne », affirme ainsi Rafal Trzaskowski, député du parti libéral Plateforme civique. Le bras de fer entre le gouvernement et l’opposition continue.

Ces lois avaient été critiquées par l'opposition polonaise, par des magistrats du pays, jusqu'au département d'Etat américain. La Commission européenne avait quant à elle sommé Varsovie de « mettre en suspens » ces réformes, la menaçant de sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension de son droit de vote au sein de l'Union.

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