Mi-avril, quand Theresa May avait annoncé les élections législatives anticipées, les observateurs prédisaient un raz-de-marée aux conservateurs et une déroute historique aux travaillistes. Un mois et demi plus tard, c’est Jeremy Corbyn qui pavoise et Theresa May qui fait la grimace.
Les Tories restent le premier parti du pays, mais ils perdent la majorité absolue à la Chambre des communes. Le scénario catastrophe se confirme pour Theresa May, qui avait organisé ces élections législatives anticipées pour, au contraire, renforcer sa majorité absolue en vue des négociations sur le Brexit.
Les conservateurs avaient une majorité absolue avec une petite marge, mais ils craignaient des frondes. La Première ministre espérait gagner 80 voire 100 sièges, pour passer la barre de 400 sièges sur 650 au total. Elle devrait finalement en perdre aux alentours d'une douzaine.
A l'inverse, Jeremy Corbyn va permettre au Labour de gagner plusieurs dizaines de sièges, une trentaine environ. Il peut être satisfait. Il n’entrera pas au 10 Downing Street, mais il a renfloué le Parti travailliste avec un programme très à gauche, rappelle notre envoyée spéciale à Londres, Béatrice Leveillé.
→ À la Une de la revue de presse de ce vendredi 9 juin : Theresa May, l’échec
La Première ministre avait mené une campagne très personnelle, presque présidentielle, opposant systématiquement son leadership « fort et stable » à celui de Jeremy Corbyn et sa « coalition du chaos ». Cette tactique a échoué et son message a été rejeté par l'électorat.
A l'inverse, il s'agit d'une victoire personnelle pour Jeremy Corbyn. Trop à gauche au goût de l'appareil de son parti, qui ne le soutenait que du bout des lèvres, le leader travailliste partait dans ces élections comme le grand perdant. En réalité, Jeremy Corbyn a mené une très bonne campagne.
Beaucoup d'électeurs, notamment de nombreux jeunes qui sont peut-être la clé de ce scrutin, ont été revigorés par les apparitions publiques de Jeremy Corbyn. Et surtout par son programme très social. Cependant, si les conservateurs n'ont pas gagné la majorité absolue, le Labour non plus. Il est même derrière les Tories.
Comme le relève notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix, le pays se retrouve donc dans une situation de « Parlement suspendu » . Aucun parti n'a les 326 sièges nécessaires pour gouverner seul. Une position difficile à un moment crucial de l'histoire du Royaume-Uni, à la veille de négocier sa sortie de l'Union européenne.
A noter que les Libéraux démocrates (LibDems), qui étaient presque inexistants à la Chambre avec neuf députés, se renforcent de quelques sièges à l'occasion de ce scrutin. Le grand perdant, c’est finalement le Parti national écossais (SNP), qui passe de 56 à environ 35 sièges sur les 59 revenant à l’Ecosse. Theresa May aura au moins atteint cet objectif.
Enfin, quant à Paul Nuttall, le chef de file des eurosceptiques du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (Ukip), il a annoncé ce vendredi qu'il démissionnait, son parti n'ayant obtenu aucun député aux élections législatives et ayant fortement reculé en nombre de voix.
■ L'analyse d'Agnès Alexandre, professeure de civilisation britannique
« La principale menace sur Theresa May est celle qui pèse sur son poste à la tête du Parti conservateur. Elle a été élue à la suite d’une procédure qui déjà elle-même était un peu court-circuitée.
Parce qu'au lendemain de la démission de David Cameron, il y avait un certain nombre de candidats qui, suite à des coups bas et autres histoires - un peu sordides parfois -, se sont retirés les uns après les autres.
Elle s’est retrouvée seule candidate en lice, élue seulement par les députés, mais pas par les adhérents, puisqu’elle était tout seule. Elle avait besoin de ce mandat en premier lieu au sein de son parti, pour ensuite se sentir légitime par rapport au pays. »
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