Ukraine: Avdiyivka sous les bombes, la situation humanitaire s’aggrave

Nouvelle flambée de violence dans l’est de l’Ukraine. La situation reste très tendue à Avdiyivka, ville située près de ligne de front et sous contrôle gouvernemental. Depuis dimanche, de violents combats se sont déroulés dans ce secteur. Les deux camps, pro-russes et ukrainiens, s'accusent d'avoir déclenché ces nouvelles hostilités, qui ont fait au moins 19 morts ces quatre derniers jours, selon le dernier bilan. Les destructions sont nombreuses et la situation humanitaire délicate.

Ce mercredi, les autorités ukrainiennes ont commencé à évacuer plusieurs dizaines d'enfants d’Avdiyvka pour les mettre à l’abri des combats. Les obus sont tombés par centaines près de la zone industrielle et dans les quartiers pavillonnaires. Des habitations et des infrastructures, telles que des conduites de gaz, ont été endommagées. Dans certains quartiers, la population est privée d’électricité, d’eau et de chauffage, dans une région où les températures descendent aisément en dessous des moins 10 degrés.

Pour tenter de soulager la population, l'armée ukrainienne, qui contrôle la ville, a dressé de grandes tentes dans le stade municipal d’Avdiyvka avec des générateurs. Les gens viennent s’y réchauffer, recharger leurs téléphones, boire un thé chaud ou manger un plat distribué par les organisations caritatives.

Les destructions sont aussi importantes de l’autre côté de la ligne de front. Depuis ce mercredi matin, toute la ville de Donetsk, et des quartiers de la localité voisine de Makievka, sont privés d’eau courante : la station d’épuration qui se trouve tout près de la ligne de front a été endommagée. Les travaux de réparation de la centrale ont débuté ce mercredi après-midi à la faveur d’une accalmie sur le terrain. Les techniciens ont aussi débuté les travaux sur les lignes électriques et les conduites de gaz à Avdiyevka. Le chef adjoint de la mission des observateurs de l’OSCE, Alexander Hug, qui s’est rendu dans la zone parle d’un « cessez-le-feu très fragile » et d’une « situation imprévisible ».

Situation imprévisible

Ce regain de violence se produit dans une zone où les armes ne se sont jamais complètement tues. Avdiyvka, ville occupée par les forces pro-russes en avril 2014 avant d’être reprise par l’armée ukrainienne en juillet de cette même année, a toujours été l’un des points chauds de cette guerre. Régulièrement, les observateurs de l’OSCE y relèvent des violations du cessez-le-feu. La ville est située tout près de la ligne de front, dans une zone stratégique, à une dizaine de kilomètres de Donetsk, aux mains des pro-Russes. Important pôle industriel, Avdiyvka possède plusieurs usines de charbon, dont la plus grande cokerie d’Europe, propriété du groupe Metinvest, le spécialiste du minerai et de l’acier de l’oligarque Rinat Akhmetov. Infrastructure stratégique, elle fournit la ville d’Avdiyvka en chauffage et surtout approvisionne une bonne partie de la métallurgie ukrainienne. L’usine a dû interrompre sa production en raison des bombardements violents de ces derniers jours.

Accusations mutuelles

Scénario habituel dans cette guerre qui dure depuis bientôt trois ans : les deux parties s’accusent mutuellement d’avoir lancé les hostilités. La mission de l’OSCE chargée d’observer la situation sur le terrain et de vérifier le respect des accords de cessez-le-feu a un accès limité aux zones de combats, notamment du côté des rebelles pro-russes, qui régulièrement obligent les inspecteurs à faire demi-tour. Dans ses rapports, l’OSCE relève quotidiennement des centaines de violations ducessez-le-feu, mais ne pointe aucune des deux parties, se bornant à indiquer que ses inspecteurs sont témoins de tirs entrants et sortants. Depuis début janvier, l’organisation internationale parle d’escalade et dénonce la présence de chars et d’artillerie lourde, pourtant interdits par les accords de Minsk.

Pourquoi maintenant ?

Cette escalade de la violence intervient à quelques jours du deuxième anniversaire de ces accords conclus le 12 février 2015. Ce mercredi, le groupe de contact trilatéral avait, de nouveau, rendez-vous dans la capitale biélorusse, pour tenter d’avancer sur les volets humanitaire, sécuritaire et politique de l’accord. Il n’est pas rare qu’à la veille de tels rendez-vous, on observe une recrudescence des violences, chacune des parties souhaitant arriver aux négociations en position de force.

Mais les observateurs font surtout le lien avec deux événements. Les violences ont repris au lendemain de la conversation téléphonique entre le nouveau président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine. Et même si l’Ukraine n’était peut-être pas au menu de la discussion, des analystes estiment que les pro-Russes ont pu vouloir tester les Etats Unis.

Par ailleurs, la reprise des combats coïncide aussi avec le déplacement à Berlin du président ukrainien Petro Porochenko, qui a fait le point sur le processus de Minsk avec la chancelière allemande Angela Merkel. Les autorités de Kiev ne cachent pas leur inquiétude depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, qui prône un rapprochement avec la Russie. Elles redoutent de perdre un allié précieux.

Le Kremlin, de son côté, table sur un désengagement des Américains du dossier ukrainien en échange d’une coopération plus poussée en matière de lutte contre le terrorisme international. Moscou est convaincu que l’Ukraine est loin d’être une priorité pour Washington ; d’ailleurs, la Maison Blanche n’a jusque-là pas réagi publiquement à ce regain de tension dans l’est de l’Ukraine.

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