[Portrait] Allemagne: Martin Schulz, un autodidacte de Bruxelles à Berlin

L’ancien président du Parlement européen vient d’être désigné comme candidat pour mener la campagne du parti social-démocrate lors des législatives. Il va également prendre la direction du SPD en remplacement de Sigmar Gabriel qui abandonne cette fonction après sept ans.

De notre correspondant à Berlin

Martin Schulz, comme son parti aujourd’hui, a déjà été au bord du gouffre. Cela fait peut-être de lui le meilleur candidat des sociaux-démocrates allemands alors que le parti traverse sa pire crise depuis la création de la RFA, avec des sondages au plus bas créditant le SPD de seulement 20%.

Il passe sa jeunesse près d’Aix-la-Chapelle, et quitte l’école tôt, sans bac. Sa passion unique est le football et il rêve d’une carrière de professionnel. Une blessure au genou met fin aux ambitions sportives du jeune homme qui trouve son réconfort dans l’alcool et se transforme en épave. Sa volonté finit par l’emporter. Martin Schulz arrête de boire d’un jour à l’autre. Il n’a plus bu une goutte d’alcool depuis 35 ans.

Sans études, il parle cinq langues

Sa passion pour les livres se traduit par une formation de libraire, métier qu’il exerce dans sa ville, Würselen, pendant douze ans avant d’être élu au Parlement européen en 1994. Ce fils d’un policier et d’une élue municipale chrétienne-démocrate s’est engagé vingt ans plus tôt au sein du SPD. Il devient à 31 ans le plus jeune maire de sa région, la Rhénanie-du-Nord Westphalie, en prenant la direction de Würselen. Il s’agit jusqu’à aujourd’hui du seul mandat allemand qu’il a exercé.

Né à la frontière entre l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, le sexagénaire de 61 ans qui n’a jamais fait d’études parle cinq langues dont le français et l’anglais couramment. Sa carrière au Parlement européen qui commence en 1994 va constituer le tremplin qui l’amène aujourd’hui, de retour sur la scène nationale, à prendre la tête de son parti pour affronter Angela Merkel en septembre prochain.

Retour à la politique nationale

Martin Schulz est devenu en 2004 le président du groupe des socialistes européens au Parlement de Strasbourg. Il restera au total cinq ans à la tête de l’institution, donnant à la fonction par son charisme, son franc-parler et son expérience un profil plus politique. Martin Schulz, auquel certains reprochent de tirer la couverture à lui, s’impose comme une figure centrale de la vie politique européenne, bien au-delà des arcanes communautaires. Sa notoriété grandit dans toute l’Europe.

Dans son pays, il est membre des instances dirigeantes du SPD et très présent dans les médias, sans être un acteur au quotidien de la politique menée par ses camarades au sein de la grande coalition gauche/droite au pouvoir à Berlin.

Martin Schulz aurait volontiers prolongé son mandat de président du Parlement européen mais l’accord conclu avec les conservateurs et prévoyant que ces derniers assument cette fonction durant la deuxième moitié de la législature l’en a empêché. Le monsieur Europe du SPD a décidé à l’automne de revenir sur la scène politique allemande, contredisant un bon mot sur les élus que l’on envoie à Bruxelles : « Quand tu as un papi en trop, refile-le à l’Europe ».

Plus coriace que Sigmar Gabriel pour Merkel

Le nom de Martin Schulz était depuis quelques semaines évoqué pour devenir tête de file des sociaux-démocrates face à Angela Merkel après l’été. Mais tous les observateurs estimaient entre-temps que le président du parti, par ailleurs ministre de l’Economie et vice-chancelier, Sigmar Gabriel mènerait la bataille. C’était sans compter sur son talent pour les surprises. Mardi, le favori annonçait qu’il renonçait, confiant la présidence du parti après sept années à sa tête comme la prochaine campagne électorale à Martin Schulz.

Sigmar Gabriel, pourtant animal politique, a choisi le réalisme reconnaissant que la popularité sensiblement plus élevée de Martin Schulz pouvait permettre à son parti d’augmenter ses chances. Un sondage en décembre montrait que l’ancien président du parlement européen était aussi populaire (57% d’opinions favorables) qu’Angela Merkel. Les sympathisants SPD comme les électeurs en général lui accordaient leurs faveurs pour une candidature plutôt qu’à Sigmar Gabriel moins apprécié.

Martin Schulz est un concurrent plus coriace pour Angela Merkel. La popularité du social-démocrate peut redonner des couleurs à un SPD au plus bas dans les sondages, distancé de quinze points par le parti de la chancelière. N’ayant pas eu de responsabilité nationale et n’ayant pas participé au gouvernement actuel, Martin Schulz disposera de plus de marges de manœuvre pour critiquer Angela Merkel et son action.

Angela Merkel, la chancelière éternelle ?

Son handicap est en revanche de manquer d’expérience de la politique intérieure allemande. Si son engagement européen fervent est connu ainsi que ses attaques féroces contre les populistes, il lui faudra en revanche préciser quelles sont ses positions sur des dossiers germano-allemands sur lesquels on ne l’a logiquement jamais entendu.

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