Les observateurs s'attendaient à un scrutin plus serré, au regard du précédent, en mai dernier, qui s'était joué à quelques dizaines de voix d'écart avant d'être invalidé. Les électeurs autrichiens ont donc fait mentir les pronostics. La victoire d'Alexander Van der Bellen, avec près de 53,3% des suffrages, est sans appel.
« Je félicite Alexander Van der Bellen pour son succès et j'appelle tous les Autrichiens à rester solidaires et à travailler ensemble », a réagi Norbert Hofer qui s'est dit « profondément triste ». Crédité de 46,7% des voix, il a d'ores et déjà annoncé son intention de se présenter aux prochaines législatives et, de nouveau, à la présidentielle dans six ans.
Alexander Van der Bellen, qui se présentait sous l'étiquette d'indépendant, enregistre dans de nombreuses circonscriptions une progression de plusieurs points par rapport au second tour du mois de mai qui avait été annulé par la Cour constitutionnelle en raison d'irrégularités dans le dépouillement des votes par correspondance. L'ancien professeur d'université l’avait remporté sur le fil avec un peu moins de 31 000 voix d'avance.
Bien que le rôle du chef de l'Etat autrichien soit essentiellement protocolaire, Norbert Hofer et le FPÖ voulaient faire de ce scrutin un symbole et engranger une nouvelle victoire pour le camp populiste, dans un contexte international porteur, six mois après le Brexit et un mois après la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis. Le parti d'extrême droite entendait conforter son implantation dans le paysage politique autrichien et transformer ce scrutin en tremplin vers la Chancellerie, le cœur du pouvoir exécutif, dans la perspective de législatives prévues au plus tard en 2018. Mais les électeurs autrichiens en ont décidé autrement.
Les Autrichiens font barrage à l'extrême droite
Les partisans de Van der Bellen, qui ont explosé de joie à Vienne, ne cachaient pas leur soulagement au moment des résultats. « Nous pensions tous que Hofer allait gagner », avouait un étudiant autrichien. Le nouveau président autrichien a attribué son succès « à l'engagement de dizaines de milliers de gens », indépendants des partis, qui ont organisé la mobilisation en sa faveur, notamment sur les réseaux sociaux, et qui ont organisé la résistance face à la montée inéluctable de l'extrême droite.
Pour l'ancien ministre autrichien des Affaires étrangères Peter Jankowitsch, la victoire de Van der Bellen peut être « très importante » pour l'Autriche. « Il peut donner une image tout à fait différente de notre pays. Car il est tourné vers l'extérieur, il est en contact permanent avec les diplomates, les journalistes étrangers. Il peut fortement influencer l'image de l'Autriche », se réjouit-il.
Alors qu'au quartier général du FPÖ, on a pu voir des larmes, la joie et le soulagement des supporters d'Alexander Van der Bellen étaient énormes, rapporte notre envoyé spécial, Piotr Moszynski. Eva, qui a voté pour le candidat victorieux, parle de lui avec beaucoup de fierté. « Il représente bien notre pays. Il a vraiment une stature de président. Il a une attitude qui lui permet de nouer de bonnes relations avec les chefs des autres Etats. Cette attitude rayonne sur toute l'Autriche, et c'est exactement ce que j'attends d'un président. C'est pourquoi je l'ai choisi », se réjouit-elle.
Markus, lui, est de ceux qui estiment que l'existence même de la fonction présidentielle en Autriche n'est aucunement justifiée. Il est allé voter, mais il a délibérément rendu son vote invalide en mettant une croix près des noms des deux candidats en lice. « Il y a une grosse différence entre le rôle de président chez nous et en France. Chez nous, il n'a aucune importance. A mon avis, il est complètement inutile. Pour moi, on devrait simplement supprimer le poste, explique-t-il. Pendant trois trimestres, nous n'avons eu aucun président en Autriche et il n'a manqué à personne. Ni moi-même, ni la société, nous ne tirons de bénéfice de l'argent dépensé pour maintenir la fonction présidentielle. On devrait investir ces fonds dans quelque chose de plus utile. »
Les Européens soulagés, Marine Le Pen félicite Hofer
Les Européens ont largement salué la victoire d’Alexander Van der Bellen et le revers du camp populiste. « Le peuple autrichien a fait le choix de l'Europe et de l'ouverture », s'est félicité le président français François Hollande dans un communiqué, tandis que le chef de la diplomatie allemande Frank Walter Steinmeier a vu dans ce résultat un « bon présage pour l'Europe ».
Une élection de Norbert Hofer aurait constitué pour la première fois l'arrivée d'un candidat d'extrême droite à la tête d'un Etat européen depuis la guerre. A ce titre, elle était très observée par les partis alliés du FPÖ au niveau européen, le Front national en France ou le parti pour la Liberté de Geert Wilders aux Pays-Bas, deux pays où se tiendront des élections nationales en 2017. « Félicitations au FPÖ qui s'est battu avec courage. Les prochaines législatives seront celles de leur victoire ! », a estimé dans un tweet la patronne du FN, Marine Le Pen.