Avec notre correspondante à Madrid, Diane Cambon
Avec 170 voix pour, 11 abstentions et 66 contre, le leader conservateur Mariano Rajoy vient enfin de recevoir l’aval des députés espagnols pour former un gouvernement. Son investiture met fin à dix mois de blocage politique sans précédent.
Il aura fallu en effet la tenue de deux élections législatives pour que les partis politiques parviennent à un accord. Et cela s’est produit avec perte et fracas. Les socialistes sont au bord de l’implosion. Pour la première fois, la discipline du vote a été rompue, ayant pour effet une crise interne au sein de la gauche traditionnelle. Seize députés du parti socialiste ont voté contre l’investiture de Rajoy alors que le mot d’ordre était l’abstention afin de permettre la formation d’un gouvernement.
La tension était notable aussi dans la rue où des milliers de manifestants se sont réunis autour du Parlement pour s’opposer à l’investiture de Rajoy et à la formation d’un gouvernement éclaboussé par les affaires de corruption.
La tâche ne va pas être facile
C’est un appel à la sérénité et à la responsabilité que Mariano Rajoy a lancé lors de son discours d’investiture à la Chambre des députés. Le leader conservateur va disposer d’un mandat instable. L’équipe ministérielle de Rajoy va former un gouvernement minoritaire et devra affronter un parlement fragmenté.
Plus question pour la droite d’appliquer des décrets-lois à leur guise. Sans majorité absolue, chaque loi et chaque amendement devront être négociés avec l’opposition. Les centristes de Ciudadanos, qui ont apporté leur soutien à l’investiture, ont déjà averti qu’ils feraient tout pour que Rajoy n’oublie pas leur pacte anticorruption.
Quant aux socialistes, qui se sont abstenus en majorité, ils espèrent bien mener une opposition active, même si aujourd’hui ils sont victimes de leurs divisions. Il leur faudra aussi s’imposer face aux jeunes nouveaux députés du parti antilibéral Podemos, lesquels ont promis de tout faire pour s’opposer à la politique d’austérité de Rajoy.
Austérité économique
Les défis économiques sont eux aussi de taille. Le gouvernment Rajoy, va devoir batailler pour faire passer un budget pour 2017 où les réductions de crédits pourraient atteindre 5 milliards d'euros, le tout sous la surveillance de Bruxelles, en raison des risques de dérapages budgétaires.
Une mission qui s'annonce difficile alors que, minoritaire au parlement, le gouvernement va devoir se heurter aux socialistes et à Podemos. Côté positif l'Espagne connait l'une des croissances les plus dynamiques de la zone euro, de l'ordre de 3%. Une reprise qui risque de pâtir cependant des mesures anti-déficit à venir. Par ailleurs le chômage est toujours à environ 19% de la population active, après avoir culminé à 27%.
Une amélioration due à la création d'un million d'emplois pour beaucoup précaires, mais aussi au départ des immigrés et à l'exil des jeunes sans emploi. Le vieillissement de la population creuse le déficit du système de retraites, en dépit du rallongement progressif de 65 à 67 ans de l'âge de départ à la retraite jusqu'en 2027.