avec notre envoyé spécial à Zagreb, Jean-Arnaud Derens
En réalité, les élections du 8 novembre n’avaient pas dégagé de majorité claire, même si la Coalition patriotique, regroupée autour du HDZ, la grande formation de la droite conservatrice, avait une légère avance. Cette coalition a donc du passer alliance avec le mouvement citoyen MOST, proche de l’Eglise catholique. Le gouvernement formé en janvier rassemblait toutes les tendances les plus radicales de la droite croate, avec un ministre de l’Education professant des convictions créationnistes et pour ministre de la Culture un historien révisionniste, sans oublier un Premier ministre Tihomir Oreskovic « indépendant » mais très lié à l’Opus Dei…. Le mouvement MOST promettait une lutte sans pitié contre la corruption, et le vice-Premier ministre Tomislav Karamarko, par ailleurs chef du HDZ, a justement été pris dans un scandale de conflit d’intérêts. Refusant de démissionner, il a poussé les députés du HDZ à voter la défiance au cabinet, avant d’être lui-même débarqué de la direction de son propre parti…
Une campagne a été largement dominée par les discours nationalistes
Après ces surprenants règlements de compte en famille, une figure d’apparence plus modérée a pris la direction du HDZ, mais c’est alors le chef des sociaux-démocrates, Zoran Milanovic, qui s’est mis à alimenter la surenchère nationaliste, dans le but de parvenir à détourner une partie des électeurs conservateurs… Il a ainsi estimé que la Serbie voisine était dirigée par « une poignée de misérables arrogants », tout en tenant également des propos incendiaires sur la Bosnie-Herzégovine….
En réalité, bien peu de choses distinguent aujourd’hui les programmes des deux principaux partis, le HDZ et ses rivaux sociaux-démocrates, qui sont également favorables aux mesures d’austérité, dans un pays ravagé par un chômage de masse, et promettent tous la plus grande fermeté face aux réfugiés. La Croatie, qui a rejoint l’Union européenne de 2013, est de plus en plus tentée de se rapprocher des pays ultra-conservateurs d’Europe centrale, le groupe de Visegrad, qui réunit la Pologne, la Slovaquie, la Tchéquie et la Hongrie de Viktor Orban.
Quels résultats peut-on attendre de ce nouveau scrutin ?
Selon les sondages, les deux grands blocs risquent fort de se retrouver à égalité et de n’avoir, ni l’un ni l’autre, la majorité absolue. La campagne électorale, qui s’est déroulée au cœur de l’été et de la saison touristique, vitale pour l’économie croate, n’a pas passionné les électeurs, qui risquent d’être à nouveau tentés par les petites formations « anti-système », qu’il s’agisse des cléricaux de Most, ou de l’indéfinissable mouvement Zivi Zid, initialement créé pour s’opposer aux expulsions locatives… Zivi Zid, qui se réfère à l’anarchisme, défend des positions très eurosceptiques, et promet qu’il ne s’alliera avec aucun camp, alors qu’il pourrait obtenir une bonne dizaine de députés, tandis que Most pourrait à nouveau se retrouver en position de faiseur de roi. Dans ces conditions, la Croatie risque fort de rester ingouvernable.