Le vote des parlementaires a seulement une valeur consultative, mais il montre bien l’état d’esprit de l’Irlande sur le sujet. Dublin préfère renoncer aux 13 milliards d’euros d’amende que de se priver de l’implantation de ces multinationales florissantes sur son territoire. Et le gouvernement argue d’ailleurs qu’Apple n’a fait l’objet d’aucun traitement de faveur, puisque cette politique fiscale favorable aux entreprises propre à l'Irlande bénéfie à n'importe quelle société investissant sur le territoire.
« L’enjeu essentiel pour l’Irlande est de défendre sa position et de démontrer que le régime particulier fiscal, certes très attrayant, n’était pas du tout anticoncurrentiel comme la Commission le pense. Ou du moins le régime n’était pas asymétrique en ce sens où finalement les entreprises dans la même situation qu’Apple investissant à travers l’Irlande, avaient en général le bénéfice du même régime, explique Antoine Colonna d'Istria, avocat fiscaliste chez Norton Rose Fulbright. Et donc, tout le débat va être de démontrer d’abord que cette pratique n’était pas anticoncurrentielle et que par conséquent l’Etat irlandais n’était pas dans l’obligation de signaler cette aide à la Commission, et qu’il n’y a donc pas à remettre en cause sa parole. La deuxième priorité, c’est plutôt Apple qui va être tenté de mettre en avant cet argumentaire, c’est de considérer qu’Apple devait se sentir protéger selon le principe de sécurité juridique, qui est un principe européen de protection de la confiance légitime qu’elle avait dans la parole donnée par l’Etat irlandais. »
La Commission européenne a jugé le 4 septembre qu'Apple n'avait pas payé assez d'impôts en Irlande, où le groupe dispose de son siège européen et représente un employeur important. Mais le Premier ministre irlandais, Enda Kenny, de centre droit, a déclaré devant les députés que cette décision n'avait fait qu'occasionner « de graves dommages » à la réputation internationale de son pays. Le gouvernement irlandais avait donc annoncé vendredi sa décision de faire appel de cette condamnation.
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Les deux principaux partis, le Fine Fael, au pouvoir, et le Fianna Fail ont soutenu le gouvernement lors d’un vote à valeur consultative. La motion de soutien au gouvernement a obtenu 93 voix contre 36.
Pour le député Paul Murphy, chef de file de l’Alliance anti-austérité, cet appel n’est pas une bonne idée dans un pays qui a subi de nombreuses coupes budgétaires. « C’est vraiment scandaleux que le gouvernement aille dépenser l’argent public pour défendre le droit d’Apple de garder ses 13 milliards d’euros, au lieu de les récupérer et de les utiliser pour résoudre les crises sociales que nous traversons dans les domaines de la santé et de l’éducation, s’insurge-t-il. D’autant plus que nous avons une énorme crise du logement et des sans-abri. Cela fait des victimes en Irlande : ce sont ceux qui attendent d’avoir un lit à l’hôpital, ce sont les 2 000 enfants qui sont sans-abri en Irlande, ce sont eux les victimes, ou encore tous ceux qui n’ont pas un plein accès à l’éducation. Cela fait beaucoup de victimes dans notre société qui auraient pu bénéficier de ces 13 milliards, de tous ces revenus, de ces taxes, qu’Apple aurait dû payer depuis dix ans. Et bien sûr, les grands gagnants sont les grandes entreprises, les Apple, Google, Facebook et les gens ordinaires sont les perdants. »