L’Irlande se divise sur l’amende infligée à Apple

L’amende record infligée mardi à Apple par la Commission européenne pour avantage fiscal indu en Irlande sème la zizanie dans le gouvernement de Dublin.

Pour le ministre des Finances comme pour le Premier ministre, la cause est entendue. L’appel va de soi. Car accepter la décision de la Commission c’est risquer de faire fuir les multinationales, et donc se priver de la potion magique qui dope la croissance. Pour l’opinion publique en revanche, cela donne à réfléchir. Car l’amende de 13 milliards d’euros serait versée dans les caisses de l’État irlandais. Cela représente le quart de son budget annuel. Ca laisse plus d’un Irlandais songeur. Surtout parmi les chômeurs, ou ceux qui ont du mal à se loger, bref parmi cette population qui porte encore le fardeau de la crise de la dette.

Pour le Sinn Fein il faut examiner l’avis de la Commission. Il est préférable de prendre l’argent et de le dépenser. C’est le seul parti favorable à Bruxelles. En plein doute, les ministres indépendants ont préféré se donner le temps de la réflexion, la décision du gouvernement est remise à plus tard. Une nouvelle réunion est prévue demain vendredi.

Dans quelle mesure les multinationales installées en Irlande contribuent-elles à l’économie réelle ?

Il y a environ un millier de sociétés étrangères sur le sol irlandais motivées par le régime fiscal ultra léger. Elles ont créé entre 100 000 et 170 000 emplois, c’est 5% du total. Et même si leur impôt sur le bénéfice est moindre que ce qu’elles devraient acquitter dans le reste de l’Europe, le taux irlandais est de 12,5% alors que la moyenne européenne est de 25 %, elles contribuent fortement au budget de l’État.

Voilà pour les retombées connues, concrètes et positives. Et puis il y a les retombées virtuelles que laisse entrevoir le taux de croissance extravagant de l’année 2015 : +26 %, a annoncé l’Office national des statistiques après avoir refait ses calculs au mois de juillet.

Comment se fait-il que les multinationales gonflent autant les statistiques irlandaises ?

Elles domicilient l’ensemble de leurs ventes européennes en Irlande ; d’où un chiffre d’affaires astronomique, chiffre que retient l’office dans sa comptabilité. Mais quand ces multinationales remplissent leurs déclarations d’impôts, n’apparait plus qu’une toute petite partie de leurs bénéfices. Le reste est transféré sous d’autres cieux.

Le trésor irlandais estime que ce tour de passe-passe ne le regarde pas. Les députés indépendants qui sont le soutien indispensable au gouvernement de Enda Kenny trouvent au contraire qu’il est temps de se pencher sur les modalités de la collecte de l’impôt auprès des multinationales.

Les Irlandais sont en train de prendre conscience des taxes qui leur échappent ?

L’amende de 13 milliards d’euros leur donne effectivement une idée du manque à gagner. Mais les Irlandais n’envisagent pas pour l’instant de remettre en cause leur régime fiscal. L’agence de notation Standard and Poor’s s’est chargée de refroidir les ardeurs des plus hardis.

Dans un communiqué l’agence commence par minorer l’importance de ces 13 milliards en expliquant qu’ils ne représentent que 6% du montant total de la dette publique irlandaise, et surtout ils mettent en garde : si l’Irlande perdait son pouvoir de séduction à l’égard des multinationales, sa note, et donc in fine son taux d’intérêt, pourraient en souffrir.

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