Avec notre envoyé spécial à Ankara, Daniel Vallot
Fatma est âgée de 59 ans. Sur son visage, on peut lire la détresse d’une mère qui cherche son fils depuis plus d’une semaine. Son fils, officier dans l’armée de terre, n’a donné aucun signe de vie depuis le 15 juillet. « Le soir du coup d’Etat, raconte-t-elle, juste avant minuit, il a envoyé un texto pour nous dire que sa caserne était attaquée. A partir de minuit trente son téléphone portable a été coupé, et depuis je n’ai plus aucune nouvelle… »
Les doigts crispés sur son paquet de cigarettes, Fatma raconte ses recherches interminables à travers la ville pour retrouver la trace de son fils disparu : « Je suis allée dans les morgues, dans les hôpitaux, mais je n’ai rien trouvé… Je suis allée au palais de justice, j’ai consulté la liste des soldats arrêtés, mais là non plus je n’ai rien trouvé. Où est-il ? Que s’est-il passé ? Je ne sais pas, je ne sais rien. »
Le fils de Fatma a peut-être été tué durant la nuit du coup d’Etat sans que son corps ait pu être identifié. Il a pu également être placé en garde à vue sans que son nom apparaisse, pour le moment, sur la liste des soldats arrêtés. Une autre possibilité existe, privilégiée dans ces cas-là par les autorités : le soldat « disparu » aurait pris la fuite après la tentative de putsch. Mais pour Fatma, il n’est pas envisageable une seconde que son fils ait pu prendre part au coup d’Etat. « Il votait toujours pour Erdogan et n’aurait jamais pu trahir son pays, dit-elle. Tout ce que je demande c’est de savoir ce qui lui est arrivé, qu’il soit vivant ou soit mort. »