Euro 2016: le football portugais aussi a un lien privilégié avec l’Afrique

Si l’équipe de France compte dans son effectif dix joueurs d’origine africaine, le football portugais aussi a amplement bénéficié de l’apport du continent noir. D’Eusebio (Ballon d’or 1965) à Renato Sanches, la révélation de cet Euro 2016, ils ont fait et font la gloire de la Selecçao.

Tout comme la France, le Portugal fut autrefois une puissance coloniale, une puissance portée par un peuple de navigateurs et qui s’est exercée aux quatre coins de l’Afrique : Cap Vert, Guinée Bissau, São Tomé-et-Principe, Angola, Mozambique. En 1951, le régime autoritaire de l’Estado Novo fait par décret du pays une puissance afro-européenne en transformant ses colonies en provinces d’outre-mer. Il s’agit alors moins de justice sociale ou de philanthropie que de permettre au Portugal d’être admis à l’ONU.

Le football devenant de plus en plus populaire en métropole, les grands clubs ont déjà jeté leur dévolu sur cet outre-mer si prometteur en talents, notamment à Lourenço Marques, au Mozambique, où le trio de toujours, Benfica-Sporting Lisbonne-FC Porto, a créé des équipes filiales. Dès 1946, cinq ans avant le décret donc, l’attaquant José Travassos, né à Lisbonne et décédé en 2002, devient le premier métis à porter le maillot de l’équipe nationale, le pionnier d’une longue lignée d’attaquants percutants.

Mario Coluña et Eusebio, les légendes

Le premier natif du Mozambique à se distinguer en selecçao sera néanmoins Matateu, un redoutable buteur qui inscrira 209 buts en 268 apparitions avec Belenenses et 13 en 27 sélections avec l’équipe nationale, dont 1 contre l’Autriche en quart-de-finale de l’Euro 1960 quand la compétition s’appellait encore la Coupe d’Europe des Nations. Sa très longue carrière, il joua jusqu’à plus de 40 ans, s’acheva au Canada.

Puis vint Mario Coluña, un milieu offensif également d’origine mozambicaine, qui fit les beaux jours de Benfica de 1954 à 1970 avant de terminer à l'Olympique Lyonnais à 35 ans passés. Considéré comme l’un des meilleurs joueurs portugais de tous les temps, Mario Coluña - décédé en 2014 à l’âge de 78 ans - était le capitaine de l’équipe qui termina troisième de la Coupe du monde 1966. Avec Benfica, il remporta également la Coupe d’Europe des clubs champions en 1961 et 1962, inscrivant un but à chaque fois, et participera en tout à cinq finales (1961,1962, 1963, 1965, 1968).

Dans toutes ces conquêtes, Coluña eut évidemment pour partenaire Eusebio. Également originaire de Lourenço Marques, ce buteur aussi explosif que compulsif  - Soulier d'or en 1968 (42 buts) et 1973 (40 buts) - reste encore pour beaucoup le meilleur joueur portugais de l’histoire, n’en déplaise à Cristiano Ronaldo. Présenté un moment comme l’alter ego européen de Pelé, quand Pelé régnait sur la planète foot, O pantera negra (la Panthère noire) étira sa carrière sur vingt ans et fit trembler les filets à 473 reprises en 440 matchs (plus d'un but par lmatch en moyenne pendant 15 ans !) sous le maillot de Benfica entre 1960 et 1975, avant de terminer sa carrière en Amérique du Nord. Ballon d’or 1965 et meilleur buteur de la Coupe du monde 1966 (9 buts), Eusebio - décédé lui aussi en 2014 à l’âge de 71 ans - a inscrit la bagatelle de 41 buts en seulement 64 sélections.

Si Eusebio fit parfois des misères aux Français, nul ici n’a oublié Jordão, auteur des deux buts du Portugal lors de la fameuse demi-finale de 1984 à Marseille (3-2 pour la France après prolongation). Originaire d’Angola, cet attaquant racé collectionna d’abord les buts sous le maillot de Benfica quand Eusebio y jouait encore, avant de faire les beaux jours du Sporting (140 buts en 207 matchs). Preuve que les attaquants ont de bons gènes au Portugal, lui aussi a connu une carrière internationale d’une exceptionnelle longévité : 43 sélections (pour 15 buts) entre 1972 et 1989, soit 17 ans au total, une forme de record.

Nani, le chef de file

Dans la lignée de ces glorieux anciens, ils sont à présent sept représentants de l’outre-mer dans l'effectif du Portugal à l’Euro 2016 dont quatre devraient débuter la finale de ce soir contre la France : les milieu de terrain João Mario et William Carvalho, tous deux d'origine angolaise ainsi que l’attaquant Nani et le milieu offensif Renato Sanches qui ont des racines capverdiennes. Le groupe dirigé par Fernando Santos compte également dans ses rangs le gaucher Eliseu, né au Portugal mais d'origine capverdienne, le nouvel attaquant du LOSC Eder qui vient de la Guinée Bissau tout comme le milieu défensif du FC Porto, Danilo.

Auteur de 20 buts en 102 sélections Nani (29 ans), est le plus expérimenté de cette phalange d’Ultra-marins et il sera l’une des principales menaces contre la France dans cette finale. Vainqueur de la Ligue des champions avec Manchester United en 2008, celui qui vient de signer avec Valence en Espagne est l’une des grandes satisfactions de la Selecçao à cet Euro avec trois buts inscrits dont celui du 2-0 en demi-finale contre le Pays de Galles. Quant à Renato Sanches, qui vient de signer au Bayern Munich, il est l’une des principales révélations de l’Euro 2016. Titularisé pour la première fois au milieu de terrain contre la Pologne en quart-de-finale, il avait fêté l’évènement par un but somptueux après un une-deux dans la surface avec Nani, son premier sous le maillot du Portugal.

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