Avec notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix, et notre envoyée spéciale, Béatrice Leveillé
Sur le banc en cuir vert où Jo Cox avait l’habitude de s’asseoir, deux roses, une blanche et une rouge, avaient été déposées tandis que les députés portaient en signe de deuil une rose blanche à la boutonnière.
Le premier à prendre la parole en rupture avec la tradition, fut Jeremy Corbyn, le dirigeant du Labour, le parti de Jo Cox. Il a estimé que son meurtre était « une attaque contre la démocratie » et a appelé à une façon plus civile et respectueuse de faire de la politique. « Dans sa mort tragique, nous pouvons nous rassembler pour changer la politique, être un peu plus tolérants et condamner un peu moins. »
De son côté, le Premier ministre David Cameron a insisté sur la nécessité de s’unir contre la haine qui a tué la jeune femme. « Puissions-nous, et les générations d'élus qui nous succéderont, honorer la mémoire de Jo, en prouvant que la démocratie et la liberté pour lesquelles elle s'est battue sont inébranlables, en étant unis contre la haine qui l'a tuée, aujourd'hui et pour toujours », a-t-il déclaré.
Solennité, émotion, humour
C’est un thème qui a d’ailleurs dominé cet hommage au fur et à mesure que les collègues de la députée, la gorge serrée, se levaient pour honorer sa mémoire. L’un de ses amis de longue date, Steven Kinnock, qui partageait un bureau au Parlement avec Jo Cox, a ainsi ouvertement critiqué l’affiche de campagne dévoilée par le chef du Ukip, Nigel Farage, le jour où Jo Cox a été tuée. Une affiche montrant une colonne de réfugiés barrée du slogan « Breaking Point » (point de rupture), accusée d’inciter à la haine xénophobe et qui a été tout de suite retirée. Kinnock a dit ce qu'elle en aurait pensé : « Elle aurait été indignée et aurait rejeté avec fermeté un discours calculateur mêlant cynisme, division et désespoir, car Jo savait que ce genre de rhétorique a des conséquences. »
Enfin, cette session extraordinaire, qui mêlait solennité, émotion et humour, a été conclue par les applaudissements prolongés des députés à l’adresse des proches de Jo Cox, notamment son époux et leurs deux enfants de 5 et 3 ans présents dans la galerie réservée aux visiteurs. Rompant avec la tradition, les députés ont longuement applaudi avant de quitter la Chambre, marchant côté à côte avec leurs opposants politiques dans une geste d'apaisement et d'unité.
Quel impact sur le référendum de jeudi ?
Les partisans du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne sont convaincus que la xénophobie et le racisme qui se sont exprimés sans retenue au cours de la campagne sont responsables de ce drame.
→ Royaume-Uni: comment le Brexit a déchaîné les passions
« Les gens ont réalisé jusqu’où ce genre de rhétorique pouvait pousser un type comme ça qui adhère vraiment à ces idées-là et je pense que ça change les choses, les pro-Brexit étaient en tête des sondages et ils ont perdu quelques points. »
Nigel Farage, le chef de file du parti europhobe Ukip, accuse le Premier ministre David Cameron de vouloir récupérer politiquement la mort de Jo Cox. Mais dans son camp le doute s’installe même chez ceux, comme cette vieille dame, qui ont déjà posté leur vote : « Malheureusement, j'ai voté pour la sortie... » Plusieurs membres du mouvement en faveur du Brexit ont claqué la porte pour ne pas cautionner une campagne contre l’Union européenne qui est devenue une campagne anti-immigration.