Avec notre correspondante à Rome, Anne Le Nir
Deux femmes jeunes, sans expérience politique mûrie mais soutenues par la force grandissante du Mouvement 5 étoiles, ont remporté deux villes majeures d'Italie. Dimanche, Virginia Raggi a gagné Rome, la capitale du pays, au détriment de son rival de centre gauche Roberto Giachetti. Et contre toutes attentes, du côté de la capitale du Piémont, Chiara Appendino a devancé de quelques points le démocrate Piero Fassino, maire sortant de Turin, qui avait pourtant 11 points d'avance au premier tour.
Au lendemain du deuxième tour des municipales italiennes, et de cette percée historique du Mouvement 5 étoiles de Giuseppe Grillo, tous les grands quotidiens mettent en exergue le triomphe de Virginia Raggi, qui obtient à Rome un score qu’elle-même n’osait pas imaginer ! La Republica affiche en Une la réaction du Parti démocrate du Premier ministre Matteo Renzi : « Un échec sans atténuantes ». Il Corriere della Sera relaie l’optimisme de l'humoriste Beppe Grillo : « Ce n’est qu’un début ! », promet le fondateur du mouvement du anti- système.
Effet de contagion pour le Mouvement 5 étoiles ?
A Rome, Virginia Raggi a tout autant séduit les sympathisants de la droite musclée, attirés par une certaine forme de populisme, que les déçus de la gauche, assoiffés de changement. Mais quel changement ? La nouvelle maire promet aux Romains une ville propre à la hauteur d’une capitale moderne, « smart », avec des transports publics qui fonctionnent. Elle s’engage à défendre les couches sociales les plus défavorisées, mais sa recette reste encore une inconnue. Ce qui est sûr, c’est que Rome sera aussi entre les mains des hommes forts des « 5 étoiles ».
Si la victoire du Mouvement 5 étoiles était attendue dans la capitale, il n’en va pas de même à Turin, la grande surprise de ce deuxième tour. L’ancien ministre Piero Fassino, maire sortant et membre du Parti démocrate de Matteo Renzi, avait pourtant bien dirigé cette ville, berceau de la résistance et berceau du constructeur automobile Fiat. Mais Chiara Appendino, toute jeune dirigeante d’entreprise, s'est montrée brillante et cultivée. Sa victoire est certainement liée à un effet de contagion, qui reste à analyser, mais il faut noter que cette femme a su exploiter son charisme et la force de sa jeunesse.
■ Quels défis attendent la nouvelle maire de Rome ?
Virginia Raggi a construit son succès, en grande partie, sur l'exaspération des habitants de Rome, après 20 ans de corruption et d'incurie administrative. Il y a à peine un an et demi, les Romains étaient choqués par la révélation du scandale de la « Mafia Capitale », un système de pots-de-vin et de marchés truqués, mêlant des élus de droite comme de gauche, des entrepreneurs et des mafieux.
Elle a promis de changer les choses, mais ce sera d'autant plus difficile pour elle que la dette cumulée de la municipalité dépasse les 12 milliards d'euros et ses intérêts pèsent lourdement sur le budget de la ville. La nouvelle maire devra s'attaquer à la gestion chaotique des 60 000 fonctionnaires municipaux ; elle devra améliorer aussi le système des transports publics, obsolète et mal organisé. Le ramassage des poubelles constitue un autre problème majeur dans la capitale de l'Italie, ainsi que le tri et le traitement des ordures.
Jusqu'à présent Virginia Raggi n'a pas vraiment dit comment elle comptait s'attaquer à tous ces problèmes épineux, ni avec quels appuis. Son mouvement populiste « Cinq Etoiles » n'a pas brillé jusqu'à présent, là où il a déjà assuré la gestion municipale, même dans des villes beaucoup plus petites que Rome.