De notre correspondante à Rome,
Cette fois, plus de retour en arrière possible : le décret « anti fainéants » a été publié au Journal officiel, scellant la fin d’une époque durant laquelle des milliers d’agents publics et de fonctionnaires ont mené une double vie en Italie. Certains pointaient, puis accrochaient leur veste au dos de leur siège de bureau, avant de lancer un « Torno subito ! » (« Je reviens tout de suite ! »). Une affirmation rarement vérifiée comme en témoignent de nombreuses enquêtes : l’une d’entre elles a révélé, fin 2015, que 72 % des employés municipaux de la Ville de San Remo désertaient régulièrement leur poste. D’autres, encore plus filous, faisaient pointer des collègues à leur place.
Ces « salariés fantômes » utilisaient leur temps de travail pour leurs activités sportives, pour faire leurs courses, ou encore - et là, il s’agit surtout d’hommes - pour effectuer un job au noir : électricien, peintre ou encore informaticien. Savaient-ils qu’ils ne risquaient pas grand-chose ? Désormais, ils risquent de perdre leur emploi. En cas d’absentéisme non justifié, les agents publics et fonctionnaires pris sur le fait seront suspendus sous 48 heures. Ensuite, ils auront 30 jours de délai pour faire recours. Si celui-ci est rejeté, ils seront licenciés.
Des mesures « antipathiques, méchantes, mais justes »
Pour ce qui concerne les dirigeants, qui couvriraient par exemple les absences d’employés, ils risquent un licenciement disciplinaire. En outre, en cas de négligence grave, un dirigeant risque aussi une condamnation pénale.
Pour Matteo Renzi, ces mesures sont « antipathiques, méchantes, mais justes ». Car « elles redonnent toute leur dignité aux agents publics et fonctionnaires, qui contribuent au bien de la collectivité », dans un pays où l’emploi stable reste, à l'heure du troisième millénaire, un rêve que l’on se transmet encore de père en fils et de mère en fille. Une garantie dans ce pays où le problème du chômage est chronique et touche surtout les jeunes.
D’ailleurs, la soif du fameux post fisso, le poste fixe, a inspiré le comique Checco Zalone pour son film Quo Vado ?. Sortie en salle en janvier, cette comédie a battu tous les records italiens, en encaissant 66 millions d’euros en trois mois. L’histoire d’un petit fonctionnaire qui utilise mille et un stratagèmes pour garder son emploi, et tous les avantages qui s'y rattachent ! Ce film a séduit la population, parce que c’est un miroir caricatural. Les Italiens voudraient la garantie de l’emploi, mais en pouvant jouer avec le feu. Et malgré la sévérité des mesures « anti-filous », on peut compter sur nos cousins transalpins, si créatifs, pour trouver encore quelques bonnes astuces.