L'attente est immense, la pression à son comble pour le groupe France. Heureusement pour les Tricolores, le sélectionneur Didier Deschamps connaît bien son registre. Il a remporté, en tant que capitaine, la Coupe du monde 1998 en France. Mais aussi l'Euro 2000, en Belgique et aux Pays-Bas. Une compétition dont on dit qu'elle n'accueille que des grandes équipes. Et c'est vrai que la Roumanie n'est pas une petite équipe.
Comme nombre d'anciens internationaux français, Didier Deschamps connaît d'ailleurs bien les Roumains. Il a par exemple affronté cette équipe nationale en 1995 lors d'un match d'une grande intensité, remporté 3-1 par les Bleus à Bucarest. Un duel qui avait permis à la France de laisser derrière elle la mésaventure de 1994 - une non participation traumatisante au Mondial états-unien -, et de se qualifier pour l'Euro 1996. Au point qu'on considère désormais ce match comme un départ vers la fantastique épopée de 1998.
Face à cet adversaire roumain, plus redoutable qu'il n'y paraît, l'équipe de France devra surtout se rappeler scrupuleusement de son premier match de l'Euro en Ukraine et en Pologne, en 2008. Un mauvais souvenir. Le 9 juin, la Roumanie avait alors tenu en échec (0-0) une équipe des Bleus bardée de stars, vice-championne du monde deux ans plus tôt, et pas moins favorite qu'aujourd'hui. Résultat : une élimination au premier tour de la compétition pour les Tricolores.
A n'en pas douter, les Roumains seront bien présents pour l'Euro
En 2008, comme la France, la Roumanie était restée sur le carreau, ne faisant pas le poids face aux Italiens et aux Hollandais dans ce « groupe de la mort ». « Après 1989, après la révolution, nous n'avons rien fait pour développer réellement le football, il n'y avait pas de vision pour ça dans notre pays, décrypte Razvan Burleanu, président de la Fédération roumaine de football. C'est pour cela que nous n'avons pas de grands joueurs du top 5 ou 6 des championnats européens, comme c'est le cas en Pologne, en Croatie ou en Serbie. »
« Mais ce que nous avons, ajoute Razvan Burleanu, et nous en sommes très fiers, c'est l'unité, la confiance et la détermination. » Le numéro un de la fédération a parfaitement raison : si la Roumanie est une équipe sans véritable vedette, certes, elle est également très disciplinée. Compacte, elle défend en bloc et bénéficie de surcroît, actuellement, d'une forte capacité de projection en contre-attaque. Enfin, elle aussi connaît les Français.
Si le match du jour a lieu en France, les Roumains seront, en n'en pas douter, bien présents. A l'instar de leur Premier ministre Dacian Ciolos, qui a fait le déplacement pour l'évènement. L'occasion pour lui d'expliquer, dans un français parfait, que les attentes des citoyens roumains sont très grandes. Et ce, avant même d'affronter la Suisse et l'Albanie, les deux autres équipes du groupe. « On a eu quelques affaires dans le football, qui ont clairement affecté la confiance de certains Roumains dans ce qu’on appelle le " foot " en général », rappelle M. Ciolos.
Le football, un sport qui dépasse le cadre purement sportif
Le chef du gouvernement roumain le confie, la qualification pour l'Euro en France « donne une bulle d’oxygène » à son pays. « Tout bon résultat en France ne fera que s'ajouter à ce regain de confiance dans le football, au-delà des affaires, au-delà de la partie économique. Le football, c’est le sport peut-être le mieux payé, et qui attire le plus de capitaux et d’argent dans le monde, mais je crois que ce qui est important, c’est de pouvoir garder l’esprit de " fair-play " », considère-t-il.
Car le Premier ministre Ciolos en est convaincu, le football dépasse allégrement le cadre sportif. D'où l'impératif d'exemplarité : « C'est important, non seulement pour la confiance des gens, mais surtout pour les jeunes, qui voient toujours dans le sport un moyen de prouver que tout le monde peut être égal et qu’on peut être joyeux, peu importe si on gagne ou si on perd. Et ce serait bien que le football garde cet esprit. »
RFI s'est rendu à Bucarest pour sonder les attentes des Roumains. Histoire de vérifier les dires du Premier ministre. Nous avons rencontré un lycéen, Adrian, qui compte arriver tôt ce vendredi soir, dans un bar du quartier animé de Lipscani. Pour l'heure, il se montre peu optimiste : « Je vais venir voir le match avec des amis. Je mise sur Christian Săpunaru, le défenseur. Sinon, le reste de l’équipe est trop faible. J’aurais bien aimé aller en France pour soutenir notre équipe, mais c’est la période du bac et de toute façon, on va perdre. »
A Bucarest aussi, le match de ce soir est l'évènement de l'année
D'autres supporters semblent avoir plus de mémoire que le jeune Adrian. De son côté, Bogdan, qui regardera le match France-Roumanie tranquillement chez lui, se montre beaucoup moins défaitiste : « Chez moi, je peux exprimer mes émotions librement. Alors que dans un bar, il faudra que je me retienne ! Et là, c’est un grand match contre la France. Il va y avoir beaucoup d’émotions. Les Français sont plus forts, mais les Roumains viennent avec l’envie de gagner ! »
Stella Dina travaille au bar Half Time (« mi-temps »). Comme de nombreux établissements de la capitale, l'établissement affiche complet pour ce vendredi soir. « Les supporters des plus grandes équipes de foot viennent regarder les matches ici. On a dix écrans de télévision. C’est une soirée qui nous rapporte 150 à 200 % de recettes supplémentaires. C’est la soirée la plus importante de l’année ! », confie Stella à notre envoyée spéciale Ariane Gaffuri.
Moralité : à Bucarest aussi, comme sur le carré vert de Saint-Denis et dans les rues de France, les Roumains seront présents. « Le football, c'est plus qu'un sport, c'est un phénomène social avec des valeurs sociales au niveau de la communauté. Si nous ne réussissons pas sur ce plan, nous perdrons. Ce qui compte, ce n'est pas de gagner le prochain match, c'est d'avoir la capacité d'apporter une valeur ajoutée au pays et à la nation », assure le président de la fédération roumaine.